Numéro |
Biologie Aujourd’hui
Volume 215, Numéro 3-4, 2021
|
|
---|---|---|
Page(s) | 145 - 146 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2022002 | |
Publié en ligne | 11 mars 2022 |
Notice Nécrologique
Madame Tixier-Vidal (1923–2021)
Andrée Vidal est née le 10 avril 1923 à Chasseneuil-sur-Bonnieure, petite ville près d’Angoulême, un des berceaux de la « charentaise », où seront ses racines, avec une maison qu’elle retrouvera toujours avec joie pour les vacances. Son père, cheminot, ne tardera pas à deviner les aptitudes remarquables de sa fille et, pour lui donner le maximum de chances dans ses études après le « Certificat », se fait muter à Paris-Austerlitz. De fait, Andrée intègre en 1939 l’École Normale d’Instituteurs puis, en 1943, l’ENS féminine de Fontenay (émigrée à Nice jusqu’à la fin de la guerre). C’est là qu’elle prépare et obtient en 1947 l’Agrégation de Sciences Naturelles, ce qui lui vaut d’être nommée à la rentrée suivante professeur au lycée Fénelon à Lille. Elle n’y restera qu’un an car le souvenir qu’elle a laissé à Fontenay lui fait proposer par l’ENS un poste d’Agrégée préparatrice qu’elle va occuper pendant 7 ans. Parallèlement à ses tâches d’enseignement, elle découvre la recherche dans le laboratoire de Marcel Prenant à la Sorbonne et dans celui de Jacques Benoît à l’annexe du Collège de France à la porte d’Auteuil.
Sous la direction de Jacques Benoît, elle prépare une thèse d’État et décide de se consacrer entièrement à la recherche en intégrant, en 1955, le CNRS. Elle y fera toute sa carrière, jusqu’à la Direction de Recherche en 1973 et l’éméritat en 1992. Elle ne quittera pas non plus le Collège, en créant, dès 1970 au siège même de cet institut prestigieux, sa propre équipe de Neuroendocrinologie Cellulaire et Moléculaire, rattachée successivement à plusieurs chaires et à différents professeurs, heureux d’accueillir un groupe aussi dynamique et internationalement reconnu.
C’est dans le domaine de la neuroendocrinologie ouvert par Jacques Benoît et ses élèves que se situe d’emblée l’activité de recherche d’Andrée Tixier-Vidal, puisque dès son mariage en 1953, elle choisit de faire précéder son patronyme par celui de son mari, Marcel Tixier, haut fonctionnaire au ministère des Finances.
Il est difficile de résumer en quelques lignes une carrière de chercheur et une œuvre scientifique aussi dense qu’originale, jalonnée par 300 publications depuis 1952 dont 245 dans des revues internationales, 40 rapports sur invitation dans des congrès internationaux, 12 chapitres invités, trois ouvrages et la direction de nombreuses thèses. De fait, la Société de Biologie consacrera une de ses prochaines séances à l’apport de Mme Tixier-Vidal et de ses collaborateurs à la Biologie Cellulaire et à la Neuroendocrinologie. Dans le domaine de la cascade neuroendocrine elle s’est intéressée surtout à deux niveaux, l’hypophyse et les neurones hypothalamiques qui la contrôlent avec la dissection moléculaire du mode d’action d’un neuropeptide, la TRH, sur les cellules à prolactine en culture primaire ou en lignée continue (GH3). Remontant la cascade, elle s’est aussi intéressée à l’élaboration du message peptidergique dans les neurones à TRH et au développement terminal de ces derniers. Elle a fait ainsi accomplir des percées décisives à la biologie cellulaire de la sécrétion grâce à la mise en œuvre de modèles in vivo et de cultures cellulaires in vitro qu’elle a diffusés autour d’elle et où elle était devenue une référence universellement reconnue.
Cette reconnaissance lui est aussi venue de ses pairs avec l’attribution de plusieurs prix prestigieux notamment le Grand Prix scientifique de la Ville de Paris, son élection comme correspondant étranger de l’Académie Royale de Médecine de Belgique, la présidence de nombreuses sociétés savantes (dont la Société de Neuroendocrinologie, la Société d’Endocrinologie et la Société de Biologie Cellulaire) et sa nomination au grade de Chevalier de l’Ordre National du Mérite en 1984.
Mais Mme Tixier-Vidal ne demeurait pas dans la tour d’ivoire de son laboratoire, si bien tenu soit-il, avec une « patronne » à l’autorité ferme et indiscutée. J’ai eu le privilège d’assister à une des réunions du lundi matin où elle disséquait « jusqu’à l’os » un article repéré pendant le week-end dans les Current Contents. Bourreau de travail, dotée d’une volonté de fer (héritée, paraît-il, de sa mère…) Mme Tixier-Vidal a aussi affronté le monde des commissions scientifiques jusqu’à leur présidence où sa compétence, sa rigueur et l’indépendance de son jugement étaient unanimement appréciées, tout comme ses questions dans les congrès, si redoutées des jeunes chercheurs et où je l’ai vue littéralement « trépigner » lorsque l’orateur faisait des erreurs, ignorait la littérature ou répondait mal aux objections. Encore très récemment, toujours pertinente et pugnace, elle participait au Conseil et aux séances de la Société de Biologie avec, dans ses interventions, l’intérêt passionné d’une jeune chercheuse.
Rentrée à la maison dans son cher appartement du quai Henri IV, elle y retrouvait un mari à la personnalité forte et exigeante avec lequel elle a partagé 65 ans de vie commune et une fille brillante qui lui a fait découvrir à partir des années 1990 l’art d’être grand-mère avant d’avoir la joie de connaître le succès à l’agrégation de son petit-fils. Mme Tixier, si respectée, voire redoutée dans son environnement professionnel, redevenait « femme au foyer » et cordon bleu justement réputé. Sa longue vie (elle serait entrée le 10 avril dans sa centième année) si parfaitement accomplie jusqu’au bout, demeure exemplaire : ce pur produit de la « méritocratie » républicaine honore les institutions qui l’ont accueillie, CNRS et Collège de France. Elle me confiait un jour qu’au soir de son jubilé, son mari, impressionné par le rayonnement de sa femme, dont il ne soupçonnait peut-être pas l’ampleur, lui avait dit : « Je suis fier de toi ». Nous aussi, collaborateurs fidèles ou collègues de Mme Tixier-Vidal, nous sommes fiers de l’avoir connue et admirée et plus encore d’avoir pu compter au nombre de ses amis.
André Calas
Bordeaux le 27 janvier 2022
Principales publications
- Tixier-Vidal, A., Picart, R. (1967). Étude quantitative par autoradiographie au microscope électronique de l’utilisation de la DL-Leucine tritiée par les cellules de l’hypophyse du Canard en culture organotypique. J Cell Biol, 35, 501–519. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Gourdji, D., Kerdelhué, B., Tixier-Vidal, A. (1972). Ultrastruture d’un clone de cellules antéhypophydaires sécrétant de la prolactine (clone GH3). Modifications induites par l’hormone hypothalamique de libération de l’hormone thyréotrope (TRF). C R Acad Sci Paris, 274, série D, 437–440. [MathSciNet] [Google Scholar]
- Gourdji, D., Tixier-Vidal, A., Morin, A., Pradelles, P., Morgat, J.L., Fromageot, P., Kerdelhué, B. (1973). Binding of tritiated thyrotropin releasing factor (TRF) to a prolactin secreting clonal cell line. Exp Cell Res, 82, 39–46. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- De Vitry, F., Camier, M., Czernichow, P., Benda, P., Cohen, P., Tixier-Vidal, A. (1974). Establishment of a clone of mouse hypothalamic neurosecretory cells synthesizing neurophysin and vasopressin. Proc Natl Acad Sci USA, 71, 3575–3579. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Faivre-Bauman, A., Rosenbaum, E., Puymirat, J., Tixier-Vidal, A. (1980). Mise en évidence d’activités neuronales dans des cultures primaires d’hypothalamus de souris fœtales maintenues en milieu sans sérum. C R Acad Sci Paris, 290, Série D, 885–887. [MathSciNet] [Google Scholar]
- Tougard, C., Picart, R., Tixier-Vidal, A. (1982). Immunocytochemical localization of prolactin in endoplasmic reticulum of GH3 cells. Variations in response to thyroliberin. Biol Cell, 43, 80–102. [Google Scholar]
- Laverrière, J.-N. Morin, A., Tixier-Vidal, A., Truong, A.T., Gourdji, D., Martial, J.A. (1983). Inverse control of prolactin and growth hormone gene expression: effect of thyroliberin on transcription and RNA stabilisation. EMBO J, 2, 1493–1499. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Tougard, C., Louvard, D., Picart, R., Tixier-Vidal, A. (1983). The rough endoplasmic reticulum and the Golgi apparatus visualized using specific antibodies in normal and tumoral prolactin cells in culture. J Cell Biol, 96, 1197–1207. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Morin, A., Rosenbaum, E., Tixier-Vidal, A. (1984). Effects of thyrotropin releasing hormone on prolactin compartments in clonal rat primary tumor cells. Endocrinology, 115, 2271–2277. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Tixier-Vidal, A., Faivre-Bauman, A. Picart, R., Wiedenmann, B. (1988). Immunoelectron microscopic localization of synaptophysin in a Golgi subcompartment of developing hypothalamic neurons. Neurosci, 26, 847–861. [CrossRef] [Google Scholar]
- Grouselle D., Destombes J., Barret A., Pradelles P., Loudes C., Tixier-Vidal, A., Faivre-Bauman A. (1990). Evidence for high molecular weight immunoreactive TRH precursor forms in the developing mouse hypothalamus. Simultaneous immunolocalization with TRH in cultured neurons. Endocrinology, 126, 2454–2464. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Tixier-Vidal, A., Barret, A., Faivre-Bauman, A., Huttner, W., Wiedenmann, B. (1992). Differential expression and subcellular localization of secretogranin II and synaptophysin during early development of mouse hypothalamic neurons in culture. Neurosci, 47, 967–978. [CrossRef] [Google Scholar]
© Société de Biologie, 2022
Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.
Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.
Le chargement des statistiques peut être long.