Effet des ciguatoxines sur le système cardio-circulatoire

Effect of Ciguatoxins on the cardio-circulatory system

Laboratoire d’Optique Appliquée, Unité INSERM 45I, École Polytechnique-ENSTA, Chemin de la Hunière, 91761 Palaiseau. France, e-mail: sauviat@enstay.ensta.f

Résumé

Le but de la présente revue est de rassembler les principales observations concernant les effets sur le système cardio-circulatoire de polyéthers toxiques, appelés ciguatoxines qui sont responsables d’une intoxication endémique, la ciguatera, dans les régions tropicales et subtropicales. La ciguatera est liée à l’ingestion de poissons contaminés par un Dinoflagellé, Gamberdiscus toxicus. En raison de l’importation de poissons tropicaux destinés à l’alimentation et à la multiplication des voyages dans les régions tropicales, la maladie affecte maintenant les régions tempérées. Plusieurs toxines ont été isolées et purifiées de différentes espèces de poissons tropicaux vivant dans différentes zones géographiques. Elles ont été classées en trois types selon la nature de certains cycles présents dans le squelette carboné. Les observations cliniques chez l’Homme indiquent que l’intoxication ciguatérique affecte l’electrocardiogramme (ECG) et la pression sanguine. Dans la plupart des cas rapportés, l’intoxication engendre l’apparition d’un ralentissement du rythme cardiaque (bradycardie), une hypotension et une altération du segment S-T de l’ECG. Les différentes toxines ciguatériques isolées et purifiées produisent des altérations importantes de la morphologie des cellules cardiaques qui se traduisent par un gonflement cellulaire et une désorganisation des organites cellulaires. Ces toxines ralentissent la conduction des nerfs cardiaques et augmentent la probabilité d’ouverture des canaux Na+ des ganglions intracardiaques. Les ciguatoxines exercent, sur la contraction de l’oreillette ou du ventricule isolés du cœur de petits Mammifères (Cobaye, Rat, Souris) et de l’oreillette humaine, un effet inotrope positif ou inotrope négatif selon la concentration de toxine appliquée. Ces effets sont attribués à une libération de noradrénaline et d’acétylcholine à partir des terminaisons nerveuses autonomes présentes dans le tissu cardiaque. Les toxines exercent aussi un effet inotrope positif plus tardif qui a été attribué à un effet direct de la toxine sur les canaux Na+ (sensibles à la tétrodotoxine et qui dépendent du potentiel de membrane) de la membrane cardiaque. Les ciguatoxines dépolarisent la membrane des préparations atriales et ventriculaires de Mammifères et déplacent le seuil d’activation du courant sodique vers les potentiels plus négatifs. En conclusion, les effets inotropes produits par les ciguatoxines sur le tissu cardiaque dépendent de la sensibilité à la concentration de toxines des terminaisons nerveuses du système nerveux autonome qui libèrent la noradrénaline et l’acétylcholine. L’augmentation de l’influx de sodium dans les cellules observée en présence de ciguatoxine, est impliquée dans l’effet inotrope positif tardif des toxines : Elle peut aussi être responsable des changements osmotiques, semblables au changement de volume cellulaire sensible au mannitol observé sur le nœud de Ranvier, produits dans les cellules cardiaques par les ciguatoxines.

Abstract

The aim of the present review was to collect the main observations reported until now concerning the cardio-circulatory effects of polyether toxins, called ciguatoxins, which are involved in an endemic intoxication named ciguatera found in tropical and subtropical countries. Ciguatera is caused by the ingestion of fishes contaminated with the dinoflagellate Gamberdiscus toxicus. Due to both tropical fish exportation destined for food and tourism, the disease has now spreaded out to temperate areas. Several toxins have been isolated and purified from different fish species living in different geographical areas. They are classified into three main groups by the nature of certain cycles of their carbon skeleton. Clinical reports show evidence that ciguatera intoxication affect both electrocardiograms and blood pressure. In most cases, ciguateric intoxication mainly evoked bradycardia, hypotension, and the alteration of S-T segment in the electrocardiogram. Isolated and purified ciguatoxins strongly altered the morphology of cardiac tissus inducing swelling of the cells and alterations of cellular organelles. These toxins impair the conduction of cardiac nerves and increase the opening probability of Na+ channels in intracardiac ganglions. Depending on the concentration applied, the substances exerted either a fast positive inotropic effect or a negative inotropic effect on the contraction of mammalian atrial and ventricular cardiac muscle. These effects were attributed to a release of noradrenaline and acetylcholine from neural terminals of the autonomic nervous system present in cardiac tissu. They also exert a slow delayed inotropic effect on the contraction which has been attributed to a direct effect of the toxins on tetrodotoxin-sensitive voltage-dependent Na+ channels of cardiac membranes. Ciguatoxins depolarized the membrane of mammalian atrial and ventricular preparations and shifted the threshold of sodium current activation to more negative membrane potentials. In conclusion, the inotropic effects of ciguatoxins on cardiac tissues mainly depend on the toxin concentration sensitivity of autonomic nerve terminals, which released noradrenaline and/or acetylcholine, while the ciguatoxin-induced increase of the sodium influx could be involved in the cardiac cell swelling which coincides with reports in which ciguatoxins induced a mannitol-inhibited swelling of the Node of Ranvier.