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Numéro
Biologie Aujourd'hui
Volume 212, Numéro 1-2, 2018
Page(s) 13 - 19
Section La signalisation dans des compartiments intracellulaires : un nouveau paradigme
DOI https://doi.org/10.1051/jbio/2018018
Publié en ligne 26 octobre 2018

© Société de Biologie, 2018

Introduction

Les récepteurs structurés en sept segments transmembranaires (7TMR), appelés également récepteurs couplés aux protéines G (RCPG ; protéines G : protéines hétérotrimériques de liaison du GTP), forment la plus grande classe de récepteurs de surface cellulaire, avec plusieurs centaines de membres identifiés dans le génome humain (environ 900). On estime qu’environ 500 RCPG sont des récepteurs olfactifs et gustatifs et 400, des récepteurs ayant pour ligands des molécules endogènes telles qu’amines, lipides, sucres, acides aminés, peptides ou protéines. Les RCPG interviennent dans la régulation de toutes les fonctions physiologiques d’un organisme humain.

L’activation des RCPG et leurs fonctions régulatrices sont initiées par une interaction ligand-récepteur à la surface cellulaire. Celle-ci déclenche une cascade de signalisations, dont certaines voies sont induites par le couplage des récepteurs à des protéines G hétérotrimériques localisées au niveau de la membrane plasmique, alors que d’autres ne font pas intervenir de couplage aux protéines G (Ferguson, 2001 ; Sorkin & von Zastrow, 2009 ; Rajagopal et al., 2010). L’activation des RCPG membranaires est généralement suivie d’évènements biochimiques conduisant à la désensibilisation du signal et à l’internalisation des récepteurs. L’un de ces évènements biochimiques est leur phosphorylation sur sérine et/ou thréonine par des kinases (PKA, PKC) activées par un second messager, et par des kinases spécialisées, appelées GRK (G protein coupled Receptor Kinases) (Ferguson, 2001 ; Marchese et al., 2008 ; Sorkin & von Zastrow, 2009 ; Rajagopal et al., 2010). Les RCPG ainsi phosphorylés recrutent des protéines d’échafaudage telles que les β-arrestines, qui déclenchent l’internalisation des récepteurs et, de plus, servent d’adaptateurs pour l’activation de protéines de signalisation, notamment celles de la voie des MAP kinases. L’internalisation des RCPG se fait par une invagination de la membrane plasmique, le plus souvent au niveau de puits de clathrine, avec la participation d’une autre protéine d’échafaudage, l’adaptine 2, AP2. Les vésicules d’internalisation sont ensuite séparées de la membrane par l’action d’une mécano-protéine, la dynamine, conduisant à la formation de vésicules d’internalisation, les endosomes précoces. Puis, les RCPG internalisés sont dirigés vers les lysosomes, pour y être dégradés, ou vers des vésicules de recyclage, pour réapparaître à la surface cellulaire (Ferguson, 2001 ; Marchese et al., 2008 ; Sorkin & von Zastrow, 2009 ; Rajagopal et al., 2010). Les RCPG obéissent donc à une dynamique spatio-temporelle régulée par leurs ligands agonistes, que ces ligands soient endogènes ou synthétiques, par exemple dans le cas de traitements thérapeutiques.

Jusqu’à récemment, on considérait que seul le pool de RCPG localisés au niveau de la membrane plasmique induisait une signalisation dépendante des protéines G, et qu’une fois internalisés, les récepteurs devenaient inaptes à produire un signal, donc étaient biologiquement « silencieux ». Ce concept classique a été contesté et réfuté sur la base d’arguments expérimentaux dès 2009. En effet, les preuves d’une signalisation dépendante des protéines G et prenant naissance au niveau d’endosomes contenant des RCPG internalisés ont été apportées pour le récepteur de l’hormone parathyroïdienne (PTHR) (Ferrandon et al., 2009). En outre, la cinétique de production d’AMPc, après stimulation par la PTH, persiste au cours du temps, même quand le ligand est éliminé de la surface cellulaire par des lavages. Parallèlement, une production soutenue d’AMPc, attribuée au récepteur internalisé de l’hormone stimulante de la thyroïde (TSH), a été rapportée dans des follicules thyroïdiens natifs isolés de souris transgéniques (Calebiro et al., 2009). Il a été ensuite montré que les récepteurs D1 de la dopamine et V2 de la vasopressine induisent la production d’AMPc à partir des endosomes (Kotowski et al., 2011 ; Feinstein et al., 2013). Parmi les différents arguments expérimentaux, un inhibiteur chimique (le dynasore) ou l’expression génétique d’un dominant négatif de la dynamine suppriment la phase soutenue de la cinétique de production d’AMPc (Calebiro et al., 2009 ; Ferrandon et al., 2009). Des preuves supplémentaires, et plus directes, ont été apportées lors d’études portant sur le récepteur β2-adrénergique. En outre, des senseurs conformationnels, constitués de « mini-anticorps » (nanobody), ont permis l’identification par microscopie confocale de la forme active du récepteur β2-adrénergique ainsi que la sous-unité alpha de la protéine Gs active, à la surface d’endosomes précoces (Irannejad et al., 2013).

Il est important de préciser, qu’en parallèle à l’émergence du concept selon lequel les RCPG peuvent induire une production d’AMPc au niveau de vésicules d’internalisation, il est apparu de plus en plus clair que l’AMPc libéré en différents lieux de la cellule ne produit pas nécessairement les mêmes effets biologiques (Zaccolo & Pozzan, 2002 ; Calebiro et al., 2009 ; Ferrandon et al., 2009 ; Mullershausen et al., 2009 ; Tsvetanova & von Zastrow, 2014).

Cependant, en dépit des travaux concordants, l’importance du phénomène de production de seconds messagers (par exemple, l’AMPc) résultant de l’activité de RCPG internalisés, reste un sujet de controverse ; ce nouveau concept apparaissait en effet incompatible avec celui, largement partagé, selon lequel l’internalisation d’un RCPG entraînait une diminution du signal dépendant des protéines G (désensibilisation) (Ferguson, 2001) et de plus, ce concept s’appuyait uniquement sur des preuves indirectes, la détection directe de la production d’AMPc sur les endosomes résultant de l’activation d’un RCPG internalisé, n’ayant pas été fournie jusqu’à récemment.

Pour ces différentes raisons, nous avons été amenés à rechercher si le récepteur du « Glucose-dependent Insulinotropic Peptide » (RGIP), une fois internalisé, serait doté d’une capacité à produire une signalisation. Le RGIP se couple positivement via la protéine Gs à l’adénylate cyclase, enzyme produisant de l’AMPc à partir d’ATP. Le RGIP est physiologiquement important pour la régulation de l’homéostasie glucidique et lipidique (Baggio & Drucker, 2007) et est très fréquemment surexprimé dans les tumeurs neuroendocrines (Waser et al., 2012). Contrairement à son homologue, le récepteur du GLP1, le RGIP est quasiment non fonctionnel chez les patients atteints du diabète de type II (Baggio & Drucker, 2007). Ces propriétés constituent des raisons de s’intéresser aux mécanismes de sa régulation et à sa signalisation. Ici, nous résumons une étude détaillée (Ismail et al., 2016) qui a permis de démontrer que le RGIP continue à stimuler l’adénylate cyclase produisant de l’AMPc et la PKA après internalisation.

Outils biologiques utilisés pour l’étude de la signalisation endosomale du RGIP

Pour notre étude, les cellules HEK 293 exprimant de façon stable le RGIP humain ont été utilisées du fait que ce modèle cellulaire, le plus employé pour les études d’internalisation de récepteurs, avait été celui choisi pour l’étude de l’internalisation du RGIP (Ismail et al., 2015). Nous avions montré que le RGIP subit une internalisation rapide et abondante à la suite d’une stimulation par le GIP et que le pool de RGIP internalisé est principalement dirigé vers la voie de dégradation lysosomale (Ismail et al., 2015). Fait intéressant, contrairement à la plupart des RCPG, y compris le récepteur GLP1 structurellement et fonctionnellement apparenté au RGIP, le RGIP s’internalise sans faire intervenir le recrutement des β-arrestines (Al-Sabah et al., 2014 ; Ismail et al., 2015).

Sur la figure 1, sont schématiquement représentés l’internalisation du RGIP et son devenir intracellulaire. Sur cette figure, sont aussi indiqués les différents outils moléculaires ayant servi à notre étude. Ces outils permettent d’agir sur l’internalisation du RGIP ou de mesurer la production d’AMPc et l’activation de la PKA en différents compartiments cellulaires :

  • 1) un analogue fluorescent du GIP, le DY647-GIP. Le DY647-GIP, en se liant au RGIP, permet de localiser, par microcopie confocale, le RGIP sur cellules vivantes. Il a été vérifié que le DY647-GIP stimule le RGIP de la même façon que le GIP natif, comme l’attestent les courbes dose-réponse de production de l’AMPc (Yaqub et al., 2010). Lors d’une étude antérieure utilisant ce ligand fluorescent, nous avions aussi montré que l’internalisation du RGIP dans les cellules HEK est rapide et massive, qu’elle se produit via des puits de clathrine et fait intervenir la protéine d’échafaudage AP2, mais pas les β-arrestines. Une fois internalisé, le RGIP est majoritairement dirigé vers la voie de dégradation lysosomale, seuls environ 10 % des RGIP internalisés étant recyclés vers la surface cellulaire (Ismail et al., 2015). L’étude de la cinétique de la co-localisation entre le DY647-GIP et le RGIP (celui-ci étant marqué par une protéine de fusion fluorescente) a révélé que le ligand DY647-GIP et le RGIP restent associés pendant au moins deux heures après le début de la stimulation. Le DY647-GIP permet donc de localiser le RGIP à la surface et à l’intérieur des cellules, dans les vésicules d’internalisation ;

  • 2) la sonde BRET, RLuc-EPAC1-citrine ou la sonde FRET, EYFP-EPAC1-ECFP permettent de mesurer la production totale d’AMPc ;

  • 3) les plasmides codant pour les protéines fluorescentes DsRed-Rab5 ou GFP-EEA1 permettent de marquer les endosomes précoces ;

  • 4) l’inhibiteur pharmacologique de la dynamine bloque l’internalisation du RGIP ;

  • 5) le plasmide codant pour DsRed-DN-Rab7, dominant négatif de Rab7, bloque le trafic intracellulaire des récepteurs internalisés au stade des endosomes précoces (Girard et al., 2014) ;

  • 6) l’activité du RGIP sur les endosomes précoces a été détectée, d’une part, au moyen d’un mini-anticorps (nanobody) fusionné avec la GFP et reconnaissant la forme active de la sous-unité alpha de Gs (Irannejad et al., 2013), et d’autre part ;

  • 7) au moyen d’une sonde FRET spécifiquement localisée sur les endosomes précoces (abrégée : FYVE-EPAC FRET). Cette sonde d’AMPc comprend la protéine EPAC1, connue pour lier l’AMPc, avec, aux extrémités N- et C-terminales, les protéines fluorescentes EYFP et ECFP. L’illumination de cellules exprimant cette protéine chimérique EYFP-EPAC1-ECFP produit un signal FRET dont l’intensité varie en fonction de la concentration en AMPc. L’artifice utilisé pour que ce senseur d’AMPc, habituellement localisé au niveau du cytosol, détecte l’AMPc sur les endosomes précoces, a été l’introduction en C-terminal de l’ECFP, d’une séquence « FYVE » dérivée d’EAA1, protéine spécifiquement présente à la surface des endosomes précoces (Lawe et al., 2000) ;

  • 8) l’activité de la PKA a été mesurée au moyen de la sonde FRET, AKAR3 FRET (Allen & Zhang, 2006). Cette sonde est en fait une protéine chimérique comportant à ses extrémités, les protéines fluorescentes ECFP et EYFP et dans sa partie centrale, un peptide substrat de la PKA et un peptide comportant un domaine de liaison d’acides aminés phosphorylés (FHA). Suivant la phosphorylation de cette protéine chimérique par la PKA, un changement de conformation se produit, entraînant une augmentation du signal FRET.

thumbnail Figure 1

Schéma montrant l’internalisation du RGIP après stimulation par son ligand, le trafic intracellulaire du récepteur internalisé, ainsi que les différents outils biochimiques et méthodes pour mesurer les niveaux d’AMPc. Pour plus de détails, se référer à la partie de l’article « Outils biologiques utilisés pour l’étude de la signalisation endosomale du RGIP ».

Preuves indirectes et directes d’une signalisation endosomale du récepteur du GIP internalisé

Nous avons obtenu une série de données expérimentales démontrant qu’une fois internalisé et localisé dans la membrane des endosomes précoces, le RGIP continue à être activé et à induire une production d’AMPc. D’abord, nous avons observé que les cinétiques de production d’AMPc et d’activation de la PKA sont dépendantes de l’internalisation du RGIP et de son trafic intracellulaire. En effet, le blocage de l’internalisation par un inhibiteur chimique (Dyngo-4a) ou un dominant négatif de la dynamine fait disparaître la phase persistante de la cinétique de production d’AMPc (Figure 2). De façon différente, nous avons apporté une preuve indirecte mais nouvelle d’une production endosomale d’AMPc stimulée par le GIP, en bloquant, non pas l’internalisation du RGIP, mais son trafic intracellulaire au stade des endosomes précoces. Il est en effet connu que la progression du trafic intracellulaire après l’internalisation fait intervenir un échange entre Rab5, GTPase présente sur les endosomes précoces, et Rab-7, GTPase des endosomes tardifs. La surexpression d’un mutant dominant négatif de Rab-7 bloque le trafic au stade des endosomes précoces (Girard et al., 2014). En nous basant sur ces données, nous avons surexprimé le dominant négatif de Rab-7 dans les cellules HEK exprimant le RGIP. Il en est résulté une accumulation du récepteur internalisé au niveau des endosomes précoces et une cinétique de production d’AMPc caractérisée par une augmentation continue, au cours du temps, du niveau d’AMPc (Figure 3).

Par ailleurs, nous avons pu apporter deux séries de preuves directes de l’activité du RGIP internalisé. Premièrement, nous avons détecté, au moyen d’un nanobody, la forme active de Gαs à la surface d’endosomes précoces marqués par le ligand DY647-GIP fluorescent (Irannejad et al., 2013) (non illustré ici). Deuxièmement, nous avons détecté un signal FRET rendant compte d’une concentration d’AMPc plus forte à la surface des endosomes contenant le DY647-GIP comparativement aux endosomes non marqués par le DY647-GIP, et dont l’existence était donc indépendante de l’internalisation du RGIP (Figure 4) (Calebiro et al., 2009 ; Ferrandon et al., 2009).

thumbnail Figure 2

Exemple d’expérience montrant que la cinétique de production d’AMPc dans des cellules HEK expriment le RGIP et stimulées par le GIP (10 nM) est dépendante de l’internalisation. A) Cinétiques de production d’AMPc déterminée par BRET en présence d’inhibiteur de l’internalisation (Dyngo-4a) ou en l’absence d’inhibiteur (vehicle). B) Images de microscopie confocale montrant que le RGIP fusionné à la GFP (RGP-GFP) est exprimé à la membrane cellulaire puis, après stimulation par le GIP, s’internalise (présence de vésicules aux temps 15 et 30 min). En présence de Dyngo-4a, le RGIP reste bloqué à la membrane cellulaire.

thumbnail Figure 3

Expérience montrant que la cinétique de production d’AMPc en réponse à une stimulation par le GIP est modifiée dans des cellules exprimant un mutant dominant-négatif de la protéine Rab-7 (DN-Rab7) qui a pour propriété de bloquer le trafic intracellulaire au stade des endosomes précoces. Contrairement à l’expérience montrée sur la figure 2 dans laquelle le blocage de l’internalisation annule la persistance de la stimulation, ici, l’accumulation du RGIP internalisé au stade des endosomes précoces conduit à une augmentation continue de la production d’AMPc.

thumbnail Figure 4

Démonstration de la production d’AMPc sur les endosomes précoces contenant le complexe RGIP-GIP. L’expression du senseur par FRET d’AMPc est localisée sur les endosomes précoces grâce à la présence de la séquence FYVE. Les valeurs de FRET sont déterminées à la surface d’endosomes dépourvus de GIP (absence de marquage rouge au DY647-GIP) et, dans la même cellule, sur des endosomes contenant du GIP (marquage rouge). Les résultats indiquent que dans chaque cellule, les valeurs de FRET à la surface d’endosomes contenant le GIP sont plus faibles, donc que le niveau d’AMPc est plus élevé, comparativement aux endosomes dépourvus de GIP.

Discussion

Sur la base de nos résultats, dont le détail a été par ailleurs publié (Ismail et al., 2016), il apparaît que le RGIP fait partie du groupe de RCPG pour lesquels une signalisation dépendante du couplage aux protéines G persiste quand ces récepteurs sont internalisés et localisés dans les endosomes précoces. Les RCPG pour lesquels une telle signalisation endosomale a été suggérée ou démontrée sont notamment les récepteurs de la PTH, de la TSH, de la vasopressine (VP2), de la dopamine (D1), de la sphingosine-1-phosphate, de l’adrénaline (β2-adrénergique), du glucagon et du CGRP (Calebiro et al., 2009 ; Ferrandon et al., 2009 ; Mullershausen et al., 2009 ; Kotowski et al., 2011 ; Feinstein et al., 2013 ; Irannejad et al., 2013, Kuna et al., 2013 ; Yarwood et al., 2017).

Le concept de signalisation endosomale contredit le concept classique selon lequel la signalisation des RCPG faisant intervenir le couplage aux protéines G proviendrait exclusivement du pool de récepteurs membranaires et que les RCPG deviendraient muets du point de vue signalisation une fois internalisés.

Les mécanismes moléculaires mis en jeu lors de la signalisation endosomale des RCPG commencent à faire l’objet de recherches. Ainsi, une étude sur le récepteur β2-adrénergique montre qu’après la phase de signalisation membranaire résultant du couplage de la sous-unité Gαs au récepteur,s Gαs se dissocie pour laisser la place au recrutement de β-arrestine qui dirige le récepteur vers l’internalisation. Puis, Gαs est activée dans les endosomes par un nouveau couplage au récepteur β2-adrénergique internalisé vraisemblablement exempt de β-arrestine (Irannejad et al., 2015). Un mécanisme différent a été proposé pour le récepteur de la PTH et de la vasopressine. En effet, les récepteurs activés par l’agoniste forment un complexe ternaire comprenant une molécule de récepteur et le dimère des sous-unités Gβγ qui a pour rôle d’augmenter le taux et le niveau d’activation de Gαs, conduisant à une production persistante d’AMPc. Dans cet exemple, la β-arrestine joue le rôle de protéine d’échafaudage pour maintenir active Gαs liée au récepteur (Feinstein et al., 2013 ; Wehbi et al., 2013). Plus récemment, un méga-complexe constitué d’une molécule de RCPG associée physiquement avec une molécule de protéine G trimérique (αβγ) et une molécule de β-arrestine liée sur la partie C-terminale phosphorylée a été identifiée. La mise en évidence de ce complexe constitue une base moléculaire directe expliquant l’existence de RCPG fonctionnels dans les endosomes (Thomsen et al., 2016). Dans le cas du RGIP, il est peu probable que les β-arrestines jouent un rôle dans l’activation des Gαs. En effet, nous avons montré que le RGIP ne recrute pas de β-arrestines après son activation et les β-arrestines-1 ou −2 n’ont jamais été identifiées dans les endosomes contenant RGIP (Ismail et al., 2015). Par conséquent, les partenaires moléculaires de la signalisation endosomale du RGIP restent à être identifiés.

La fonction physiologique de l’AMPc produit par le RGIP internalisé et au stade des endosomes précoces n’est pas connue à ce jour. Par contre, il a été rapporté que l’internalisation du récepteur de la TSH est nécessaire pour assurer la dépolymérisation de l’actine dans les follicules thyroïdiens (Calebiro et al., 2009). Par ailleurs, la durée des réponses calciques et phosphates induites par la PTH chez les souris stimulées par la PTH est liée à la durée des réponses AMPc, cette dernière étant en rapport avec la capacité des ligands à stimuler l’AMPc provenant des récepteurs PTH internalisés (Ferrandon et al., 2009). Les actions divergentes anti-natriurétiques et anti-diurétiques de la vasopressine et de l’ocytocine agissant sur les récepteurs de type V2 de la vasopressine ont également été expliquées par leurs différents profils de réponses AMPc. En effet, la vasopressine provoque une production d’AMPc issue à la fois de la membrane plasmique et des endosomes, tandis que l’ocytocine entraîne une production d’AMPc de courte durée, provenant uniquement des récepteurs situés à la membrane plasmique (Feinstein et al., 2013). Pour ce qui concerne le récepteur β2-adrénergique, le profil d’expression des gènes liés à la production d’AMPc est dépendant de la production de ce second messager par le récepteur β2-adrénergique internalisé, localisé dans les endosomes précoces (Tsvetanova & von Zastrow, 2014). En effet, l’inhibition de l’internalisation du récepteur β-adrénergique réduit la phosphorylation du facteur de transcription CREB par la PKA et l’expression de plusieurs gènes régulés par l’AMPc, notamment le gène codant pour la phospho-énolpyruvate carboxy-kinase 1.

L’accumulation de données suggérant que la signalisation des RCPG internalisés présente une relevance physiologique a amené à les proposer comme cibles thérapeutiques. Des travaux récents, portant sur les récepteurs du peptide dérivé du gène de la calcitonine (Calcitonin-gene related peptide, CGRP) et de la substance P (Neurokinin1 receptor, NK1R) ont démontré que ces deux récepteurs, une fois internalisés au stade d’endosomes précoces, produisent une signalisation impliquée dans la nociception dans des neurones de la moelle épinière (Jensen et al., 2017 ; Yarwood et al., 2017). Des molécules chimériques, constituées d’une partie occupant le site de liaison de ces récepteurs (antagoniste) et d’un lipide servant à l’ancrage membranaire de l’antagoniste, bloquent la signalisation des récepteurs internalisés et, de ce fait, bloquent de façon prolongée la nociception stimulée par les agonistes peptidiques des récepteurs (Jensen et al., 2017 ; Yarwood et al., 2017).

En conclusion, nos travaux sur le récepteur du GIP montrent que l’internalisation de ce RCPG n’a pas pour effet de le rendre inopérant d’un point de vue de son couplage positif à l’adénylate cyclase. Ils ouvrent des perspectives intéressantes afin de déterminer quel rôle joue la signalisation endosomale de ce récepteur et son intérêt physiopathologique dans un contexte marqué par un regain d’intérêt pour ce récepteur d’incrétine.

Abréviations

AP2 : Adaptine 2

CGRP : Calcitonin-Gene Related Peptide

GIP : Peptide insulinotrope dépendant du glucose

GRK : G protein coupled Receptor Kinases

PKA : Protéine Kinase-A

Protéines G : Protéines hétérotrimériques de liaison du GTP

PTH : Hormone parathyroïdienne

PTHR : Récepteur de l’hormone parathyroïdienne

RCPG : Récepteurs Couplés aux Protéines G

RGIP : Récepteur du peptide insulinotropique dépendant du glucose

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Citation de l’article : Ismail, S., Gigoux, V., et Fourmy, D. (2018). Signalisation endosomale du récepteur du peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP). Biologie Aujourd'hui, 212, 13-19

Liste des figures

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Schéma montrant l’internalisation du RGIP après stimulation par son ligand, le trafic intracellulaire du récepteur internalisé, ainsi que les différents outils biochimiques et méthodes pour mesurer les niveaux d’AMPc. Pour plus de détails, se référer à la partie de l’article « Outils biologiques utilisés pour l’étude de la signalisation endosomale du RGIP ».

Dans le texte
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Exemple d’expérience montrant que la cinétique de production d’AMPc dans des cellules HEK expriment le RGIP et stimulées par le GIP (10 nM) est dépendante de l’internalisation. A) Cinétiques de production d’AMPc déterminée par BRET en présence d’inhibiteur de l’internalisation (Dyngo-4a) ou en l’absence d’inhibiteur (vehicle). B) Images de microscopie confocale montrant que le RGIP fusionné à la GFP (RGP-GFP) est exprimé à la membrane cellulaire puis, après stimulation par le GIP, s’internalise (présence de vésicules aux temps 15 et 30 min). En présence de Dyngo-4a, le RGIP reste bloqué à la membrane cellulaire.

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thumbnail Figure 3

Expérience montrant que la cinétique de production d’AMPc en réponse à une stimulation par le GIP est modifiée dans des cellules exprimant un mutant dominant-négatif de la protéine Rab-7 (DN-Rab7) qui a pour propriété de bloquer le trafic intracellulaire au stade des endosomes précoces. Contrairement à l’expérience montrée sur la figure 2 dans laquelle le blocage de l’internalisation annule la persistance de la stimulation, ici, l’accumulation du RGIP internalisé au stade des endosomes précoces conduit à une augmentation continue de la production d’AMPc.

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Démonstration de la production d’AMPc sur les endosomes précoces contenant le complexe RGIP-GIP. L’expression du senseur par FRET d’AMPc est localisée sur les endosomes précoces grâce à la présence de la séquence FYVE. Les valeurs de FRET sont déterminées à la surface d’endosomes dépourvus de GIP (absence de marquage rouge au DY647-GIP) et, dans la même cellule, sur des endosomes contenant du GIP (marquage rouge). Les résultats indiquent que dans chaque cellule, les valeurs de FRET à la surface d’endosomes contenant le GIP sont plus faibles, donc que le niveau d’AMPc est plus élevé, comparativement aux endosomes dépourvus de GIP.

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