Numéro |
Biologie Aujourd'hui
Volume 212, Numéro 3-4, 2018
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Page(s) | 77 - 79 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2019004 | |
Publié en ligne | 11 avril 2019 |
Article
Combinaisons de chimiothérapie ou de radiothérapie et d’inhibiteurs de checkpoints
Combinations of chemotherapy or radiotherapy with checkpoint inhibitors
1
Université de Bourgogne Franche-Comté,
Dijon, France
2
Centre Georges-François Leclerc, Département d’Oncologie Médicale,
1 rue Pr Marion, BP77980,
21079
Dijon, France
3
INSERM LNC U1231,
Dijon, France
* Auteur correspondant : fghiringhelli@cgfl.fr
Reçu :
14
Janvier
2019
Les progrès récents de l’immunothérapie en oncologie dus au développement des anticorps anti-PD1/PDL1 révolutionnent la prise en charge des patients. Malgré tout, l’efficacité de ces traitements en monothérapie est limitée à une sous-population représentant environ 25 à 30 % des patients dans la plupart des indications. Le développement de nouvelles stratégies se base sur les combinaisons entre les traitements standards (chimiothérapie cytotoxique et radiothérapie) et l’immunothérapie afin de trouver des combinaisons synergiques.
Abstract
Recent advances in cancer immunotherapy with the development of anti-PD1/PD-L1 antibodies are revolutionizing cancer care. Nevertheless, the efficacy of these treatments in monotherapy is limited to a subpopulation representing about 25–30% of patients in most indications. The development of new strategies is based on combinations between standard treatments (cytotoxic chemotherapy and radiotherapy) and immunotherapy in order to find synergistic combinations.
Mots clés : immunothérapie / inhibiteurs de checkpoints / chimio-immunothérapie / biomarqueurs / réponse immunitaire tumorale
Key words: immunotherapy / checkpoint inhibitors / chemoimmunotherapy / biomarkers / antitumor immune response
© Société de Biologie, 2019
L’utilisation des inhibiteurs de point de contrôle de l’immunité (inhibiteurs de checkpoint) révolutionne actuellement le traitement du cancer. La première cible découverte fut celle des anticorps anti-CTLA-4 qui n’ont qu’une efficacité limitée sur le mélanome en monothérapie. Depuis, sont apparus les anticorps ciblant PD1/PD-L1, qui ont des indications validées pour le mélanome, le cancer bronchique non à petites cellules, le cancer de l’estomac, le cancer du rein à cellules claires, le cancer de la vessie. Des études de preuves de concept ont aussi validé leur indication dans les tumeurs avec instabilité des microsatellites et les tumeurs à cellules de Merkel. Actuellement, plusieurs milliers d’essais cliniques d’immunothérapie sont en cours dans le monde.
Malgré tout, l’efficacité reste limitée et, à part pour quelques maladies, elle oscille entre 20 et 30 % des patients dans des populations non sélectionnées. Une première approche pour contourner cette difficulté est de chercher des biomarqueurs prédictifs d’efficacité pour mieux sélectionner les malades. Une deuxième approche vise à associer les anticorps ciblant PD1/PD-L1 avec des traitements standards ou d’autres immunothérapies afin d’augmenter le taux de patients répondeurs.
La mort immunogène
Actuellement, une multitude de publications prouve que le système immunitaire est impliqué dans l’efficacité de plusieurs chimiothérapies conventionnelles (Galluzzi et al., 2015). Le concept a été démontré par une expérience animale simple consistant à tester les effets de la chimiothérapie ou de la radiothérapie sur des cancers transplantables d’origine murine chez des souris immunocompétentes ou immunodéficientes. Dans ce modèle, certaines chimiothérapies, telles que les anthracyclines, l’oxaliplatine, ou la radiothérapie, apparaissent plus efficaces sur les tumeurs chez les animaux immunocompétents (Ghiringhelli et al., 2009). Ces traitements provoquent un afflux important de cellules myéloïdes et lymphoïdes dans la tumeur. L’activité immunostimulante des chimiothérapies a été liée à leur capacité à induire une mort cellulaire particulière impliquant l’autophagie et le stress du réticulum endoplasmique. Ces mécanismes déclenchent la libération d’ATP, qui active et recrute les cellules dendritiques (Apetoh et al., 2007 ; Galluzzi et al., 2015). Le stress du réticulum endoplasmique favorise la reconnaissance des cellules tumorales par l’exposition de la calréticuline à la surface des cellules (Obeid et al., 2007). Enfin, la libération d’ADN ou de protéines nucléaires provoque l’activation de récepteurs de signaux de danger et la production de cytokines chémoattractantes comme CXCL10 qui induit un recrutement des cellules T dans la tumeur (Sistigu et al., 2014). Ces données suggèrent que certaines chimiothérapies, telles que les anthracyclines et l’oxaliplatine, peuvent déclencher une réponse immunitaire contre le cancer et ainsi pourraient être synergiques avec les inhibiteurs de checkpoints.
Autres effets immunomodulateurs des chimiothérapies
Il existe d’autres effets des chimiothérapies n’impliquant pas la mort immunogène. Ainsi, le cyclophosphamide utilisé à petites doses conduit à une mort sélective des cellules T régulatrices qui ont un rôle immunosuppresseur dans de nombreux cancers (Ghiringhelli et al., 2007), ce qui détermine une réactivation des lymphocytes T et des cellules NK. La gemcitabine ainsi que le 5-fluorouracil provoquent une déplétion en cellules myéloïdes immunosuppressives (MDSC) et favorisent la réponse immunitaire T dépendante (Vincent et al., 2010). Les agents alkylants et le cisplatine ont la capacité d’activer les voies de la réparation de l’ADN et notamment l’ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), qui induit une up-régulation des récepteurs activateurs des NK à la surface des cellules tumorales et par conséquent leur lyse par les NK (Fine et al., 2010).
Développement des combinaisons de chimio-immunothérapie
Ces données sur les effets immuno-modulateurs de la chimiothérapie et de la radiothérapie montrent qu’il existe donc des raisons pour associer des chimiothérapies dites immunogènes ou des chimiothérapies immuno-modulatrices, qui permettent d’éliminer les cellules immuno-suppressives pour induire ou amplifier une réponse immunitaire anti-tumorale, avec des inhibiteurs de checkpoints. Ces stratégies ont pour but de transformer les tumeurs dites froides – c’est-à-dire des tumeurs faiblement infiltrées par des lymphocytes et donc ayant peu de chance d’être sensibles à un inhibiteur de checkpoint qui, lui, exige que la tumeur soit infiltrée et reconnue par ces cellules T pour être efficace – en tumeurs chaudes infiltrées par des lymphocytes T. Ces stratégies montrent une efficacité remarquable dans le cancer bronchique. Ainsi, des essais cliniques signalent une amélioration significative de la survie des malades qui bénéficient d’une combinaison de chimiothérapie et d’inhibiteurs de checkpoints ciblant PD1 ou PD-L1 en première ligne de traitement de leur cancer par rapport à la chimiothérapie utilisée seule. Ainsi, l’association de la chimiothérapie avec l’immunothérapie va devenir un traitement standard de première intention dans le cancer bronchique. Des travaux restent à effectuer car il est vraisemblable que certaines des chimiothérapies utilisées contre le cancer bronchique n’ont pas d’effet immunologique ou immunosuppresseur et sont probablement moins efficaces en association avec une immunothérapie. Ainsi, un travail d’identification des effets immunologiques dans les protocoles classiques de chimiothérapie reste à faire dans ce contexte pour optimiser la thérapie.
Les combinaisons chimiothérapies et immunothérapies ont un intérêt potentiel dans les maladies pour lesquelles les inhibiteurs de checkpoints ont peu ou pas d’efficacité. Dans le cancer colorectal, les inhibiteurs de checkpoints ne sont efficaces que chez une sous-population de malades portant des tumeurs chaudes et caractérisées par une instabilité génétique, appelée instabilité des microsatellites (Le et al., 2017). Pour les autres patients (95 % des maladies métastatiques), les inhibiteurs de checkpoints ont une activité nulle. Par contre, dans des modèles précliniques, si la chimiothérapie standard utilisée pour ces malades comprend une association d’oxaliplatine induisant une mort immunogène et de 5-fluorouracil qui conduit à une déplétion en cellules myéloïdes suppressives, la combinaison de cette chimiothérapie et d’un inhibiteur de checkpoint permet d’annihiler la résistance à l’immunothérapie (Dosset et al., 2018). Cette thérapie est actuellement étudiée en combinaison avec des checkpoints dans un essai clinique (NCT03202758).
Conclusion
L’immunothérapie avance à grands pas et révolutionne nos pratiques. Les combinaisons thérapeutiques, notamment les associations avec une radiothérapie, une chimiothérapie immunogène ou une chimiothérapie immuno-modulatrice, sont l’avenir à court terme des traitements nouveaux des cancers. Ceci nécessite un décryptage des effets immunologiques des thérapies classiques pour mieux les intégrer dans les stratégies combinatoires.
Conflits d’intérêts
François Ghiringhelli : l’auteur a reçu des honoraires pour des présentations scientifiques pour BMS, MSD, Roche, Amgen, Sanofi. Il a reçu des invitations à des congrès par Roche, et Servier. Il a une activité de consultant pour Roche et Enterome.
Références
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Citation de l’article : Ghiringhelli, F. (2018). Combinaisons de chimiothérapie ou de radiothérapie et d’inhibiteurs de checkpoints. Biologie Aujourd'hui, 212, 77-79
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