Numéro |
Biologie Aujourd'hui
Volume 212, Numéro 3-4, 2018
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Page(s) | 137 - 145 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2019006 | |
Publié en ligne | 11 avril 2019 |
Article
La lutte contre les vecteurs : quel avenir ?
Next-generation vector control
MIVEGEC (Maladies Infectieuses et Vecteurs : Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle), UMR IRD-CNRS-Université de Montpellier,
911 avenue Agropolis,
34080
Montpellier, France
* Auteur correspondant : frederic.simard@ird.fr
Reçu :
4
Février
2019
La lutte contre les vecteurs est un élément essentiel de la prévention contre les maladies infectieuses à transmission vectorielle qui constituent encore et toujours une menace sanitaire mondiale. La lutte contre les moustiques vecteurs, essentiellement basée sur l’utilisation d’insecticides chimiques, est emblématique des succès, des échecs et des enjeux auxquels est aujourd’hui confrontée la recherche pour préparer le futur de la lutte antivectorielle. Au travers d’exemples concrets de recherches en cours, cet article donne un aperçu des innovations scientifiques et technologiques qui sont mobilisées pour relever les défis multiples d’une gestion intégrée des vecteurs, adaptée aux contextes épidémiologiques variés et dynamiques d’un monde en évolution rapide.
Abstract
Vector control is a cornerstone of vector-borne infectious disease control, a group of emerging and re-emerging diseases of major public health concern at a global scale. The history and evolution of mosquito disease vectors control, mainly based on the use of chemical insecticides, is emblematic of the successes, failures, lessons learned and experiences gained in setting-up and implementing vector control, and of the challenges that pave the way to sustainable disease vector management. This paper provides a non-exhaustive and non-exclusive overview of some of the most promising cutting-edge technical and strategic innovations that are committed to this endeavour, assessing the strength of scientific evidences for proof of concept, perspectives for scaling-up, and expected impact and outcomes in a rapidly changing world.
Mots clés : moustiques / vecteurs / lutte antivectorielle / insecte stérile / forçage génétique
Key words: mosquitoes / vectors / vector control / sterile insect / gene drive
© Société de Biologie, 2019
Introduction
Selon l’OMS, les maladies à transmission vectorielle représentent plus de 17 % des maladies infectieuses qui affectent l’homme et provoquent encore plus de 700 000 décès par an dans le monde selon les dernières estimations officielles de 2017 (https://www.who.int/en/news-room/fact-sheets/detail/vector-borne-diseases, accédé le 20/12/2018). Leur impact sur la santé publique et l’économie mondiales est considérable. Les maladies à transmission vectorielle regroupent l’ensemble des maladies infectieuses dont l’agent causal, qui peut être un virus, une bactérie ou un parasite, est transmis à l’homme par un vecteur, généralement un arthropode hématophage, au cours de la piqûre (Robert et al., 2008). Ces vecteurs incluent notoirement de nombreux insectes tels que les moustiques, les puces, les poux, certaines punaises tropicales, de nombreuses mouches et moucherons (phlébotomes, culicoïdes…), ainsi que des arachnides comme les acariens dont de nombreuses espèces de tiques (Duvallet et al., 2017). Parmi tous ces vecteurs et toutes ces maladies, les moustiques et les agents infectieux pathogènes qu’ils transmettent sont les plus étudiés et les plus combattus, car responsables des plus graves endémies et épidémies de maladies à transmission vectorielle qui affectent l’homme aujourd’hui, comme depuis des millénaires. Les plus notables en termes d’impact sur la santé humaine et/ou de présence en France hexagonale ou ultramarine sont en particulier le paludisme, la filariose lymphatique, la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya, la fièvre à virus Zika ou encore la fièvre du Nil occidental (Failloux, 2019). Ce sont donc naturellement les moustiques qui mobilisent l’attention d’une vaste majorité des laboratoires de recherche qui développent des travaux en entomologie médicale sur la caractérisation et le contrôle des populations de vecteurs, et c’est sur la lutte contre ces Culicidae d’intérêt médical majeur que se focalisera cet article. Il faut cependant noter que la plupart des stratégies présentées et discutées ci-dessous sont en cours de développement ou pourraient être transférées à la plupart des arthropodes vecteurs d’agents pathogènes pour l’homme, sous réserve de la levée de certains verrous scientifiques, techniques ou financiers et que la perspective de leur transfert et de leur utilisation sur le terrain soulève les mêmes questionnements éthiques, institutionnels et sociétaux.
La lutte contre les vecteurs, ou lutte antivectorielle, a pour objectif général la réduction de la mortalité ou de la morbidité associée aux maladies à transmission vectorielle. À l’échelle individuelle, elle vise à la protection contre les piqûres d’arthropodes infectants. À l’échelle collective, l’objectif est la réduction de l’intensité de la transmission des agents pathogènes en jouant sur quatre paramètres clés de la capacité vectorielle que sont la densité de vecteurs, l’intensité du contact homme-vecteurs, la longévité des vecteurs, et la compétence vectorielle. Elle se différencie en cela de la démoustication de confort dont l’unique but est de limiter la nuisance due aux piqûres par une action rapide et directe essentiellement sur les densités de moustiques. Les stratégies de lutte antivectorielle dirigées contre les moustiques font appel à des méthodes et techniques variées dont la mise en œuvre diffère selon les espèces et les contextes épidémiologiques et socio-économiques. Elles incluent la lutte chimique à base d’insecticides ou d’autres molécules biocides, la lutte biologique à l’aide de prédateurs ou d’agents pathogènes de moustiques, la lutte génétique dans son acceptation la plus large (par altération ou remplacement de matériel génétique susceptible de réduire le potentiel reproducteur ou la compétence vectorielle d’une population de vecteurs), les actions sur l’environnement (drainage, assèchement, élimination des gîtes larvaires potentiels…), la protection individuelle contre les piqûres (répulsifs, moustiquaires…), l’éducation sanitaire et la mobilisation sociale (Fontenille et al., 2013). Ci-après, nous rappellerons certains succès édifiants obtenus par le passé grâce à ces méthodes et soulignerons les limites et les leçons à tirer, avant de présenter plusieurs innovations techniques et stratégiques prometteuses qui présagent du futur de la lutte antivectorielle au IIIe millénaire. Certains aspects, tels que le développement de nouvelles molécules biocides (anti-larvaires, répulsifs, attractants…) ou de ceintures de pièges par exemple, ne seront pas abordés dans cet article. Plusieurs revues récentes et exhaustives ont été publiées sur le sujet (Roiz et al., 2018 ; Achee et al., 2019).
La lutte contre les moustiques vecteurs au XXe siècle : l’ère des insecticides
Si l’homme a de tout temps cherché à se protéger de la piqûre des moustiques, la découverte du dichlorodiphényltrichloroéthane, plus connu sous son nom abrégé de DDT, par le chimiste allemand Hermann Müller en 1939, a marqué l’histoire de la lutte contre les plus redoutables vecteurs que l’Humanité ait connu : les moustiques Aedes, vecteurs du virus amaril, des virus de la dengue et de nombreux autres arborvirus émergents incluant Zika et chikungunya (Failloux, 2019), et les moustiques Anopheles, vecteurs majeurs des Plasmodium responsables des paludismes humains (Carnevale & Robert, 2009). L’efficacité du DDT et son utilité pour la lutte contre les moustiques fut démontrée sans équivoque lors de la campagne d’éradication d’Aedes aegypti mise en place sur le continent américain au sortir de la seconde guerre mondiale. Initiée dès 1932 au Brésil avec le soutien de la fédération Rockfeller, la stratégie d’éradication d’Aedes aegypti fut globalisée à l’ensemble des pays du continent en 1948, à la suite des résultats probants obtenus au Brésil et en Bolivie grâce à l’utilisation à large échelle du DDT en pulvérisation péri-focale, dans et autour des habitats larvaires potentiels de ce moustique essentiellement domestique (Severo, 1955). Au début des années 1960, ce sont ainsi 18 pays, de l’Argentine au Mexique et incluant le Brésil, la Guyane française et quelques îles de la Caraïbe qui sont déclarés libérés de la présence d’Ae. aegypti (PAHO, 1997). Les aspersions de DDT continueront jusqu’au début des années 1970, permettant à l’OMS/PAHO de déclarer l’éradication d’Ae. aegypti dans 21 pays précédemment infestés sur le continent américain. Mais dès cette époque, des ré-infestations sont signalées dans plusieurs pays d’où le moustique avait été éliminé, et les premiers signes d’une diminution de sensibilité des insectes au DTT sont observés (Camargo, 1967). Aujourd’hui, Ae. aegypti est de nouveau présent dans tous les pays sur le continent américain à l’exception du Chili, du Canada et des Bermudes, et la plupart des populations de moustiques du continent et des Caraïbes sont résistantes au DDT ainsi qu’à la plupart des insecticides autorisés pour une utilisation en santé publique (Moyes et al., 2017).
D’importants succès ont également été remportés dans la lutte contre le paludisme, en grande partie grâce à l’utilisation d’insecticides pour la lutte antivectorielle. Dans les environnements tempérés de l’hémisphère Nord où la maladie était présente jusque dans les années 1970, en Europe et aux États-Unis, l’utilisation du DDT en pulvérisation spatiale et intra-domiciliaire, couplée aux actions d’aménagement du territoire, d’amélioration de l’habitat, d’éducation sanitaire des populations et à l’utilisation massive et simultanée de traitements antiparasitaires efficaces a permis de stopper toute transmission autochtone des parasites (voir par exemple Pombi et al., 2018 pour un historique de l’éradication du paludisme en Italie). En Afrique, berceau de l’endémie palustre, et continent qui continue à y payer le plus lourd tribut, la stratégie s’est révélée inadaptée et n’a pas permis d’endiguer la transmission des Plasmodium. Cependant, l’utilisation plus raisonnée d’insecticides moins toxiques pour l’environnement est également à la base des progrès récents observés dans le contrôle de la maladie depuis le début des années 2000 (WHO, 2017). Bhatt et al. (2015) ont ainsi estimé que 68 (62–73) % des 663 (542–753) millions de cas cliniques de paludisme évités entre 2000 et 2015 en Afrique subsaharienne sont dus au déploiement et à l’utilisation à large échelle de moustiquaires imprégnées d’insecticides, 10 (5–14) % supplémentaires étant dus aux campagnes d’aspersions d’insecticides rémanents à l’intérieur des habitations, et 22 (17–28) % à la mise sur le marché d’antiparasitaires de nouvelle génération à base d’artémisinine. Les moustiquaires imprégnées d’insecticides allient une barrière physique qui réduit l’intensité du contact homme-vecteur à un insecticide chimique qui agit à la fois sur les densités de vecteurs et leur longévité. Elles ajoutent ainsi à la protection individuelle fournie aux utilisateurs un impact collectif sur la capacité vectorielle au bénéfice de la population non couverte (Teklehaimanot et al., 2007). L’impact délétère des insecticides sur les écosystèmes et la faune non cible est limité dans la mesure où les matières actives sont séquestrées dans les fibres de la moustiquaire et ne sont biodisponibles que pour les insectes et autres animaux qui entrent directement en contact avec elle. Et c’est précisément le cas des femelles Anopheles des complexes Gambiae, Funestus, Nili ou Moucheti, vecteurs majeurs des Plasmodium en Afrique (Fontenille & Simard, 2004 ; Carnevale & Robert, 2009), insectes à activité essentiellement nocturne, extrêmement anthropophiles (qui marquent une préférence marquée pour piquer l’homme) et endophages (qui piquent volontiers à l’intérieur des habitations). L’homme qui dort sous la moustiquaire sert ainsi d’appât et c’est le moustique, par son comportement de recherche d’un hôte à piquer, qui s’expose au biocide. Aujourd’hui, seuls les insecticides de la classe des pyréthrinoïdes sont autorisés pour l’imprégnation des moustiquaires et ce sont également les molécules les plus utilisées pour les aspersions intra-domiciliaires (WHO, 2011, 2017). Moins toxiques et moins rémanents que le DDT dont l’utilisation a définitivement été proscrite en 2001, ils en partagent néanmoins la même cible sur les neurones des moustiques, favorisant les phénomènes de résistance croisée (Hemingway et al., 2004). L’utilisation systématique de ces insecticides en santé publique et en agriculture a en effet favorisé l’émergence et la diffusion de nombreux mécanismes de résistance au sein des populations vectorielles à tel point qu’aujourd’hui la pérennisation des acquis dans la lutte contre le paludisme en Afrique est sérieusement remise en question (Hemingway et al., 2016).
Ainsi, l’utilisation des insecticides a permis de remporter d’importantes « batailles » dans cette « guerre » contre les moustiques et les maladies qu’ils véhiculent mais force est de constater que tous les succès remportés s’avèrent fragiles et pour la plupart éphémères. L’utilisation d’insecticides reste pourtant aujourd’hui encore une pierre angulaire des programmes de lutte antivectorielle actuellement mis en œuvre contre les moustiques Aedes et Anopheles de par le monde. Or, le nombre de substances actives disponibles pour les traitements en santé publique n’a cessé de diminuer au cours des dernières décennies, et aucune nouvelle molécule ne sera disponible à moyen terme, réduisant d’autant les perspectives de gestion de la résistance par rotation d’insecticides (Hemingway et al., 2016 ; Achee et al., 2019). Dans ce contexte, le développement de méthodes de lutte innovantes contre les moustiques vecteurs est à la fois une nécessité et une urgence tant sanitaire qu’écologique et sociétale.
Des insecticides aux moustiques génétiquement modifiés : quel futur pour la lutte antivectorielle ?
Depuis 2012, l’OMS préconise la lutte contre les vecteurs à l’intérieur d’un concept de gestion vectorielle intégrée (ou IVM pour Integrated Vector Management; WHO, 2012), défini comme « un processus rationnel de prise de décisions pour l’utilisation optimale des moyens de lutte antivectorielle » qui se doit d’être basé sur des faits reposant sur des preuves scientifiques, aujourd’hui malheureusement peu nombreuses (Roiz et al., 2018 ; Achee et al., 2019). Ainsi, dans le cadre de son Projet d’Action Mondiale contre les Vecteurs (2017–2030) publié en 2017, l’OMS plaide pour une lutte antivectorielle efficace, durable et adaptée au contexte local, ce qui nécessite l’intensification de la recherche fondamentale et appliquée pour optimiser les stratégies de lutte antivectorielle et le développement de technologies, d’approches et d’outils innovants, complémentaires et adaptables en fonction du contexte épidémiologique, entomologique et socio-économique. Dans cet esprit, la possibilité d’utiliser les moustiques vecteurs eux-mêmes, en exploitant leur comportement ou par manipulation de leur capital génétique, apparaît aujourd’hui comme l’une des voies majeures de recherche de nouvelles approches pour un contrôle durable de ces vecteurs et de la transmission des pathogènes qui leur sont associés. Sous-tendues par des études fondamentales sur la biologie, l’écologie, la physiologie, l’immunité, la génétique, la génomique et l’évolution de ces insectes, des technologies prometteuses sont en développement dans les laboratoires du monde entier et, pour certaines, déjà testées à plus ou moins large échelle en conditions naturelles. Plusieurs exemples de techniques représentatives de ces différentes catégories et reflétant la diversité des approches envisagées dans ce cadre sont présentés ci-après.
L’auto-dissémination de larvicides par les femelles
Les femelles Aedes aegypti et Ae. albopictus sont connues pour déposer les œufs issus d’une même ponte dans plusieurs gîtes larvaires différents, généralement constitués d’une multitude de petits réceptacles susceptibles de contenir de l’eau, même très temporairement. Ce comportement d’oviposition spécifique est mis à profit dans la technique dite d’auto-dissémination qui consiste à contaminer les femelles en quête d’un site de ponte par un biocide actif à faible dose sur les stades larvaires, que la femelle déposera ensuite dans les différents habitats qu’elle visitera, les rendant impropres au développement de ses propres larves, mais aussi de leurs congénères éventuellement présentes dans le même gîte larvaire. Le pyriproxyfène, un analogue de l’hormone juvénile qui perturbe la nymphose chez les diptères et en bloque l’émergence, a été utilisé avec succès dans le cadre d’essais à petite échelle réalisés contre Ae. aegypti au Pérou (Devine et al., 2009) et contre Ae. albopictus en Italie (Caputo et al., 2012). Dans les deux études, le pyriproxyfène placé sous forme de poudre dans des pièges de repos ou des pièges pondoirs et véhiculé par les femelles sauvages a très fortement réduit les taux d’émergence d’insectes adultes dans les gîtes sentinelles environnants, fournissant la preuve de principe de l’efficacité de la méthode en conditions naturelles. La différence d’attractivité entre les stations de dissémination et les gîtes naturels nécessite encore des études de terrain pour en optimiser les conditions de déploiement en phase opérationnelle, et le principe actif de la méthode, un biocide dont les impacts sur la faune non cible ne sont pas négligeables, ainsi que sa formulation, devront être adaptés avant d’envisager une utilisation à large échelle, dont l’efficacité et la rentabilité économique resteront à évaluer.
La Technique de l’Insecte Stérile
Chez les moustiques, l’accouplement a lieu juste après l’émergence et la femelle ne s’accouple en général qu’une seule fois dans sa vie. Elle stocke le sperme reçu lors de l’accouplement dans une (chez les Anopheles) ou plusieurs (trois chez Ae. aegypti et Ae. albopictus) spermathèques, qu’elle utilisera ensuite pour féconder elle-même ses œufs lors des pontes successives qu’elle effectuera au cours de sa vie. S’il advient que le sperme stocké dans la spermathèque est non viable, les œufs ne seront pas fécondés et la femelle n’aura pas de descendance. C’est sur ce principe qu’est basée la Technique de l’Insecte Stérile (TIS) qui repose sur la production en masse de mâles d’une espèce donnée, leur stérilisation, généralement obtenue par irradiation non ionisante, puis leur lâcher en nombre (et en qualité) suffisant pour qu’ils entrent en compétition avec les mâles sauvages pour l’accouplement avec les femelles. Le résultat attendu est la réduction des densités, voire l’élimination complète de l’espèce ciblée à l’échelle d’un territoire.
La TIS n’est pas une idée nouvelle. Imaginée dans les années 1950 par l’entomologiste Edward F. Knipling, elle est utilisée avec succès depuis plusieurs décennies contre nombre de diptères ravageurs d’intérêt agricole et vétérinaire (Adkisson & Tumlinson, 2003 ; Enkerlin et al., 2015). Elle a notamment permis d’éliminer la lucilie bouchère (Cochlyomyia hominivorax) d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale entre 1957 et 2006, et continue à maintenir une barrière efficace à la recolonisation à partir de l’Amérique du Sud (Wyss, 2006). Elle a également permis d’éliminer les glossines vectrices de trypanosomes de l’île de Zanzibar (Vreysen et al., 2000) ainsi que plus récemment, du périmètre des Niayes au Nord de Dakar, Sénégal. Utilisée de manière expérimentale contre plusieurs espèces de moustiques notamment entre 1960 et 1980 (Benedict & Robinson, 2003), la TIS est aujourd’hui de nouveau sur le devant de la scène et proposée comme une méthode écologique et durable, notamment pour le contrôle des populations urbaines ou insulaires d’Aedes vecteurs d’arbovirus. D’importantes innovations techniques ont été introduites au cours de la dernière décennie pour optimiser les protocoles d’élevage de masse, de stérilisation par irradiation et de lâcher pour un certain nombre de moustiques vecteurs (Lees et al., 2015 ; Bourtzis et al., 2016). Plusieurs études pilotes sont actuellement en cours dans différentes régions du monde où les moustiques Ae. aegypti et/ou Ae. albopictus sont présents pour évaluer l’efficacité de la TIS, même si de nombreux verrous technologiques, logistiques mais aussi juridiques, réglementaires et économiques restent à lever pour permettre son utilisation à grande échelle.
Il a récemment été proposé de combiner la TIS et l’auto-dissémination d’un larvicide, selon le concept de la « TIS boostée » (Bouyer & Lefrançois, 2014). Après stérilisation et préalablement aux lâchers, les mâles sont imprégnés d’une formulation de pypriproxifène ; lors de l’accouplement, ils contaminent par contact la femelle qui ira alors déposer le biocide dans les gîtes larvaires potentiels. La technique pourrait être utilisée pour transporter d’autres agents de lutte chimique ou biologique, tels que des champignons entomopathogènes, comme cela a été testé avec succès récemment chez la mouche des fruits, Ceratitis capitata (Flores et al., 2013) ou des virus spécifiques d’insectes tels que les densovirus ou bacculovirus, qui offrent, en outre, de nombreuses perspectives d’utilisation pour la lutte intégrée contre les moustiques (Lapied et al., 2009).
L’utilisation des Wolbachia
Incompatibilité Cytoplasmique (IC) et suppression des populations de vecteurs
Les Wolbachia sont des α-protéobactéries intracellulaires très fréquentes chez les arthropodes (Zug & Hammerstein, 2012). Transmises par voie maternelle à la descendance, elles altèrent de multiples manières la sexualité de leur hôte, en particulier par le phénomène d’incompatibilité cytoplasmique chez les moustiques. L’IC se manifeste par la mortalité conditionnelle d’embryons issus d’un croisement entre un mâle infecté et une femelle non infectée, ou infectée par une souche de Wolbachia incompatible. L’IC favorise ainsi la reproduction des femelles infectées, seul sexe transmetteur de la bactérie, et sa propagation rapide dans la population de moustiques. L’IC générée par Wolbachia peut alors être utilisée d’une manière analogue à la TIS décrite ci-dessus dans une optique de réduction ou d’élimination des populations vectorielles. On parle de la Technique de l’Insecte Incompatible (TII) : les mâles, infectés par une souche de Wolbachia différente de celle(s) éventuellement circulant dans la population locale de l’espèce cible, ne sont pas stériles mais auront un effet stérilisant sur les femelles sauvages avec lesquelles ils s’accoupleront, puisque leurs pontes ne seront pas viables. Ici, et plus encore que pour la TIS classique par irradiation, le lâcher accidentel de femelles infectées par Wolbachia est à proscrire totalement, au risque de voir la bactérie stérilisante se propager dans les populations cibles, anéantissant de facto l’IC à la base de la méthode. Les méthodes de sexage ayant pour le moment une fiabilité limitée, plusieurs stratégies ont été proposées pour assurer la stérilisation des femelles éventuellement relâchées dont la combinaison de la TII avec la TIS classique à faible dose d’irradiation, suffisante pour stériliser les femelles mais pas les mâles dont la stérilisation requiert des doses supérieures (Brelsfoard et al., 2009 ; Zhang et al., 2015). L’utilisation d’une souche de Wolbachia bidirectionnellement incompatible pourrait également permettre la stérilisation des femelles malencontreusement relâchées, après accouplement avec les mâles sauvages.
Interférence avec le Pathogène (IP) et modification des populations de vecteurs
L’infection artificielle d’un hôte non naturel par une souche de Wolbachia, ou trans-infection, est possible, sans être triviale, par injection de la bactérie chez les femelles adultes ou, plus efficacement, dans le cytoplasme des œufs (Hughes & Rasgon, 2014). Dans tous les cas étudiés chez les moustiques, la trans-infection provoque l’IC qui peut parfois s’accompagner d’un phénotype d’Interférence avec le Pathogène (IP), réduisant la compétence vectorielle de certains moustiques pour certains virus ou parasites (Moreira et al., 2009 ; Caragata et al., 2016). Les mécanismes de l’IP ne sont pas encore totalement élucidés et semblent multiples, impliquant la mobilisation de la réponse immunitaire de l’hôte vecteur et sa réponse au stress, ainsi que la compétition entre Wolbachia et les pathogènes transmis pour les ressources de l’hôte (Sicard et al., 2014).
La bactérie Wolbachia wMel, issue de la drosophile, provoque ainsi une forte IP après trans-infection chez Ae. aegypti qu’elle protège de l’infection par plusieurs arbovirus dont les virus de la dengue, chikungunya et Zika. Elle est actuellement testée dans plusieurs pays incluant le Brésil, la Colombie, l’Australie et le Vietnam dans le cadre du programme Eliminate Dengue, récemment renommé World Mosquito Program (http://www.eliminatedengue.com/program, accédé le 20/12/2018). Pour permettre l’invasion de la bactérie protectrice au sein de la population locale d’Ae. aegypti, des mâles et des femelles infectés par wMel sont relâchés régulièrement jusqu’à atteindre la fréquence critique de fixation de la souche trans-infectée (30 %, Hoffmann et al., 2011). Les premiers résultats obtenus en Australie cinq ans après les derniers lâchers sont encourageants, avec notamment de forts taux d’infection par wMel observés chez les populations cibles exposées aux lâchers (80–100 %) et le maintien de l’IC et de l’IP chez les moustiques infectés. Cependant, les désavantages sélectifs associés à la présence de wMel chez les moustiques et le faible taux de dispersion d’Ae. aegypti en empêchent la diffusion dans les populations vectorielles des zones voisines (Hoffmann et al., 2011, 2014).
Les Moustiques Génétiquement Modifiés et le Forçage Génétique
En 1998, Ae. aegypti est le premier moustique à avoir été transformé génétiquement de façon stable (Jasinskiene et al., 1998), bientôt suivi par An. albimanus et An. gambiae au début des années 2000 (Catteruccia et al., 2000 ; Grossman et al., 2001). Avec le développement rapide et explosif des techniques de biologie moléculaire, de génomique et de bioinformatique à l’aube du IIIe millénaire, la perspective d’utiliser les moustiques transgéniques pour la réduction, l’élimination ou la modification des populations vectrices, discutée dès 1991 par l’OMS (WHO, 1991), est aujourd’hui une réalité. Différentes lignées de différents vecteurs sont ou ont été construites au laboratoire en vue d’une utilisation pour la lutte antivectorielle ; certaines ont été testées en phase pilote sur le terrain ou le seront très bientôt. On peut globalement distinguer trois catégories de moustiques génétiquement modifiés, dont les propriétés et les objectifs, en termes de lutte contre les vecteurs, sont très distincts.
Moustiques transgéniques stérilisants
L’utilisation de transposons a permis à la firme Oxitec d’introduire un transgène d’origine synthétique dans le génome d’Ae. aegypti qui rend le développement du moustique dépendant de la présence de tétracycline (Phuc et al., 2007). Les moustiques peuvent être élevés au laboratoire en milieu supplémenté en tétracycline. Dans la nature, l’antibiotique n’existe pas et les larves porteuses du transgène meurent avant la nymphose. La souche d’Ae. aegypti OX513A ainsi construite est à la base de la technologie RIDL (Release of Insects carrying a Dominant Lethal) proposée par Oxitec, et testée sur plusieurs zones d’intervention en Amérique Latine. Comme pour la TIS classique, les mâles – qui sont ici porteurs du transgène à l’état homozygote – sont relâchés dans la nature, dans l’optique de s’accoupler avec les femelles sauvages. La descendance de la femelle éclora mais, tous les individus étant porteurs d’une copie du transgène à effet dominant, aucune larve ne parviendra au stade adulte. Des essais de terrain réalisés à l’échelle du quartier dans plusieurs villes au Brésil ont cependant montré que les mâles OX513A étaient très peu compétitifs dans la nature, obligeant à des lâchers gigantesques et fréquents (Carvalho et al., 2015). Par ailleurs, un taux de survie résiduelle non négligeable a été observé dans la descendance des moustiques transgéniques en l’absence de tétracycline, ce qui pourrait permettre la persistance des moustiques vecteurs dans la zone traitée (Phuc et al., 2007).
La mutagénèse ciblée
Les nouvelles approches de modification génétique basées sur des outils émergents tels que le système de ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9 (Jinek et al., 2012) permettent aujourd’hui d’éditer le génome (de remplacer, éliminer ou insérer une ou plusieurs bases dans l’ADN) de pratiquement n’importe quel organisme avec une précision jamais encore atteinte et de manière de plus en plus aisée. Ces outils peuvent ainsi être utilisés pour générer des mutations ciblées dans le génome des moustiques, dont certaines peuvent avoir un intérêt pour la lutte antivectorielle (Kistler et al., 2015). Le résultat de la mutagénèse ciblée est un moustique génétiquement modifié non transgénique, dans la mesure où aucun ADN exogène artificiellement introduit n’est utilisé ou ne subsiste dans le génome (Comité scientifique du HCB, 2017).
Les mutations d’intérêt pour la lutte antivectorielle pourraient par exemple cibler un gène de fécondité chez les moustiques, une protéine nécessaire au développement de l’agent pathogène vectorisé ou encore permettre le sexage lors de l’élevage de masse dans l’optique d’une lutte par la TIS en générant une mortalité conditionnelle. Même si aucune mutation ponctuelle de ce genre n’ait encore été identifiée, la diffusion au sein des laboratoires de recherche de la technologie CRISPR-Cas à des fins de recherche permettra rapidement l’identification de tels gènes et mutations potentiellement utiles à la lutte contre les vecteurs.
Le forçage génétique ou gene drive
Le forçage génétique, ou gene drive, consiste à augmenter l’héritabilité d’un élément génétique par rapport aux conditions naturelles. Selon les lois de Mendel, chez une espèce diploïde, un gène porté par un seul chromosome (hétérozygote) n’est transmis qu’à la moitié de la descendance. Un gène introduit dans une population sera ainsi dilué au fil des générations, par croisements successifs avec des individus sauvages. De plus, si ce gène a un coût génétique et qu’il désavantage son porteur, il sera vite éliminé de la population par sélection naturelle. On considère que tout transgène a un effet délétère, direct ou non, sur son porteur. La diffusion effective et efficace d’un transgène et son augmentation en fréquence au sein d’une population naturelle de moustiques requiert donc un système de forçage génétique, longtemps imaginé et modélisé par les généticiens (Burt, 2003). Notons que le phénomène d’IC décrit plus haut avec Wolbachia peut-être assimilé à un système de forçage génétique qui favorise l’héritabilité de la bactérie (et de son génome, éventuellement modifié).
Au cours des dernières décennies, plusieurs outils moléculaires, tels que les éléments transposables ou certaines catégories d’endonucléases site-spécifiques ont été utilisés pour tenter de construire un système de forçage génétique efficace, sans grand succès. Et là encore, la découverte du système CRISPR-Cas9 en 2012 a révolutionné les technologies utilisées en entomologie moléculaire, et permis de passer de la théorie à la pratique.
En effet, l’endonucléase Cas9 permet de couper spécifiquement un ADN cible en un point précis du génome. Elle utilise pour se positionner sur l’ADN cible, un petit ARN guide (gRNA) simple brin de 20 nt, complémentaire du brin à couper. Le chromosome coupé est alors réparé en prenant comme modèle le chromosome homologue. Si on insère les séquences codantes pour Cas9 et son gRNA au site de coupure (qui, de fait disparaîtra, rendant le chromosome résistant à la coupure par modification du site cible), celles-ci seront recopiées lors de la réparation de l’ADN, transformant une cellule hétérozygote pour le transgène en homozygote. C’est le principe du forçage génétique par CRISPR-Cas9 : des mâles porteurs de la cassette Cas9-gRNA, insérée par exemple dans un gène de fertilité des femelles, sont relâchés dans la nature et s’accouplent avec les femelles sauvages. Lors de la fécondation, la protéine Cas9 et son gRNA sont exprimées dans l’embryon. Le chromosome sauvage, provenant de la femelle et portant la séquence cible, est reconnu par le gRNA et coupé par Cas9. Il est ensuite réparé par homologie avec le chromosome transgénique provenant du mâle : l’embryon est homozygote pour le transgène, le gène cible est inactivé rendant l’ensemble des femelles de la descendance stériles alors que tous les mâles, dont la fertilité n’est pas affectée, continueront à diffuser la cassette stérilisante à leur descendance au fil des générations.
La preuve de principe de l’efficacité de cette stratégie d’élimination des populations de moustiques grâce au forçage génétique par CRISPR-Cas9 a été fournie récemment au laboratoire (Hammond et al., 2016). En utilisant une cassette permettant l’expression de Cas9 uniquement dans les cellules germinales de l’insecte et en seulement quatre générations, les auteurs ont montré une augmentation de fréquence du transgène dans les populations de moustiques maintenues en cage, passant de 50 à plus de 75 %. Mais la poursuite de l’étude a montré l’apparition rapide de phénomènes de résistance au forçage génétique, par sélection, au fil des générations, de mutations apparues dans la séquence cible du gRNA probablement à la suite d’une réparation par recombinaison non homologue (NHEJ, Non-Homologous End Joining) de la coupure occasionnée par Cas9 au stade de l’embryon, qui restaurent l’activité du gène cible tout en le rendant résistant à toute insertion de la cassette initiale (Hammond et al., 2017). Plus récemment, la même équipe a montré qu’en ciblant un gène autosomal hautement conservé chez les différentes populations naturelles et espèces du complexe An. gambiae, le gène doublesex impliqué dans le déterminisme du sexe chez ces moustiques, le phénomène d’apparition de résistances est fortement diminué (Kyrou et al., 2018). Dans cette étude, l’insertion ciblée d’une cassette de forçage génétique (CRISPR-Cas 9 + gRNA) dans une région précise du gène doublesex a pour effet de bloquer l’épissage correct des introns chez les femelles (mais pas chez les mâles), produisant ainsi un phénotype « transgenre » complètement stérile, affublé d’attributs mâles et femelles (organes sexuels, antennes…) et d’un appareil piqueur dégradé qui ne leur permet ni de piquer, ni de se reproduire. Des expériences en cage ont montré que le transgène, initialement introduit à une fréquence de 12,5 % dans les populations tests (2 cages ensemencées avec 300 femelles sauvages + 150 mâles sauvages + 150 males hétérozygotes pour le transgène), augmentait rapidement en fréquence au cours des générations successives de moustiques, jusqu’à atteindre 100 % en 7 à 11 générations. Parallèlement, le taux d’éclosion des œufs produits à chaque génération s’effondre rapidement, jusqu’à élimination totale des moustiques en 8 à 12 générations (Kyrou et al., 2018).
Mais la technologie CRISPR-Cas permet également d’introduire, en plus des séquences codantes pour Cas9, son gRNA et leurs promoteurs respectifs qui peuvent permettre une expression différentielle ou tissu-spécifique pour le forçage génétique, d’autres séquences codantes qui feront intégralement partie de la cassette recopiée par recombinaison homologue lors de la réparation des cassures chromosomiques. Ainsi, il est possible de faire exprimer une ou plusieurs protéines exogènes à un moustique transgénique, et d’assurer la propagation de cette nouvelle propriété génétique et phénotypique dans les générations de moustiques par forçage génétique, selon une stratégie de modification de populations. Une équipe de l’Université de Californie/Irvine est ainsi parvenue à insérer dans le génome du moustique An. stephensi, l’un des plus importants vecteurs de Plasmodium en Asie, une cassette génétique de plus de 17 kilobases comportant le système autonome de forçage génétique CRISPR-Cas9, son gRNA et leurs promoteurs respectifs, ainsi que les séquences codantes pour un gène rapporteur (DsRed, permettant de marquer, par des yeux rouges, les porteurs de la cassette) et deux gènes codants pour des anticorps bloquant le développement du parasite à différents stades chez le moustique, chacun associé à un promoteur spécifique en permettant l’expression ciblée à certains tissus du moustique, et inductibles à la suite d’un repas de sang (Gantz et al., 2015). En conditions de laboratoire, la cassette est transmise avec une grande efficacité à la descendance (> 99,5 %), et les femelles transgéniques expriment bien, d’une manière inductible, les deux anticorps anti-Plasmodium à la suite d’un repas de sang. Cependant, une fréquence élevée de mutations collatérales est observée, notamment dans la descendance des femelles transgéniques, résultant probablement là encore d’un fort taux de NHEJ dans les cellules germinales. Même si elle est encore imparfaite et que son implémentation sur le terrain soulève de nombreux défis techniques et sociétaux, cette stratégie de lutte antivectorielle par modification des populations, à la différence de toutes les autres mentionnées ci-dessus, permettrait de préserver les populations de moustiques dans leur environnement, tout en réduisant le risque de transmission de certains pathogènes à l’homme, en jouant soit directement sur la compétence vectorielle, soit sur d’autres paramètres qui déterminent la capacité vectorielle d’une population de moustiques, tels que la longévité ou le taux d’anthropophilie, si les bases génétiques de ces phénotypes sont un jour élucidées.
Conclusion
Le futur de la lutte antivectorielle se prépare et se construit dans les laboratoires de recherche du monde entier. Comme le montrent les exemples décrits dans cet article, et dont la liste est loin d’être exhaustive (voir par exemple Achee et al., 2019), de nombreuses innovations techniques sont à un stade de développement qui requiert aujourd’hui des tests à petite échelle, dans des sites pilotes, pour en évaluer l’efficacité, entomologique d’abord puis sur un plan épidémiologique, pour le contrôle et la prévention des maladies à transmission vectorielle. Les recherches sont très actives et avancent à grands pas, les verrous scientifiques et techniques sont levés un à un. Mais ce ne sont pas les chercheurs qui décideront de la mise en place de l’une ou l’autre de ces nouvelles technologies et de leur déploiement sur le terrain, à échelle opérationnelle pour la lutte contre les vecteurs et la prévention des maladies transmises. L’ensemble des parties prenantes, décideurs, opérateurs publics et privés, financeurs et citoyens, doit s’emparer des enjeux de société, règlementaires et économiques que ces nouvelles technologies soulèvent afin de bâtir ensemble, et avec les scientifiques, un cadre opérationnel qui favorisera l’appropriation des méthodes proposées et leur adaptation au contexte local des zones et des populations à protéger (Roiz et al., 2018). Cet effort, trans-sectoriel par essence, reste à produire avant d’envisager toute évolution dans les pratiques et les modalités d’évaluation du contrôle des vecteurs et le changement de paradigme vers une gestion intégrée et durable des systèmes vectoriels.
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Citation de l’article : Simard, F. (2018). La lutte contre les vecteurs : quel avenir ? Biologie Aujourd'hui, 212, 137-145
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