Numéro |
Biologie Aujourd’hui
Volume 214, Numéro 1-2, 2020
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Page(s) | 55 - 61 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2020001 | |
Publié en ligne | 10 août 2020 |
Article
Utilisation d’extraits méthanoliques de plantes pour la protection des cultures de tomates-cerises (Solanum lycopersicum var. cerasiforme) contre l’infection fongique par Alternaria alternata
Protection by some plant methanol extracts of cherry tomatoes (Solanum lycopersicum var. Cerasiforme) from fungic infection by Alternaria alternata
1
Laboratoire de Biologie Moléculaire et Cellulaire, Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie, Université Mohamed Seddik Ben Yahia,
BP 98 Ouled Aissa,
Jijel
18000, Algérie
2
Laboratoire de Biotechnologie, Environnement et Santé, Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie, Université Mohamed Seddik Ben Yahia,
BP 98 Ouled Aissa,
Jijel
18000, Algérie
* Auteur correspondant : muorka00@yahoo.com
Reçu :
28
Janvier
2020
La tomate-cerise est un fruit très sujet aux infections fongiques qui peuvent causer des dégâts considérables dans les cultures et lors de la conservation. Les alternarioses comptent parmi les altérations les plus répandues et dangereuses pour ce fruit. Elles sont causées par Alternaria alternata ou d’autres espèces appartenant au même genre. Dans ce travail, nous avons testé l’activité antifongique d’extraits méthanoliques de cinq plantes récoltées dans la région de Jijel (Algérie) sur A. alternata. L’activité a d’abord été testée in vitro, puis sur des plants de tomates-cerises cultivés sous serre : les extraits ont été appliqués sur des plants sains, avant l’infection, afin de tester leur action préventive, et après l’infection pour déterminer s’ils sont capables de traiter l’alternariose. Les résultats ont montré que les extraits de Rosmarinus officinalis et Lavandula angustifolia étaient les plus actifs in vitro sur A. alternata. L’observation microscopique de la moisissure a indiqué que ces extraits agissaient en inhibant sa production de dictyospores. L’activité antifongique testée sur les plants cultivés sous serre a révélé que l’extrait de R. officinalis était toujours le plus actif. Venaient ensuite les extraits de L. angustifolia et Punica granatum qui n’ont pas permis la protection des plants contre l’alternariose, mais qui ont néanmoins donné une guérison totale à la fin du traitement. Les extraits de Quercus suber et Eucalyptus globulus étaient les moins actifs. Ils n’ont permis ni la prévention, ni la guérison complète des plants. Le comptage des dictyospores réalisé sur les fruits à la fin du traitement a confirmé les résultats obtenus pour les cultures sous serre.
Abstract
Cherry tomato is very susceptible to fungal infections that can cause considerable damage in crops and during storage. Alternaria infection is one of the most common and dangerous alterations for this fruit. They are caused by Alternaria alternata or some other species belonging to the same genus. In this work, we tested the antifungal activity of methanol extracts from five plants harvested in the region of Jijel (Algeria) on A. alternata. The activity was first tested in vitro and then on greenhouse cherry tomato plants: extracts were applied to healthy plants before infection in order to test their preventive action, and after infection to determine whether they are able to knock out Alternaria. Results showed that Rosmarinus officinalis and Lavandula angustifolia extracts were the most active in vitro on A. alternata. Microscopic observations of the mold indicated that these extracts inhibited the dictyospores production. The antifungal activity tested on the plants grown in greenhouse revealed that R. officinalis extract still was the most active. Extracts of L. angustifolia and Punica granatum did not protect the plants from Alternaria infection, but provided a total cure at the end of the treatment. Extracts from Quercus suber and Eucalyptus globulus were the least active. They did not bestow any protection nor complete healing of the plants. Dictyospores counting on fruits at the end of the treatment confirmed the results obtained for the greenhouse crops.
Mots clés : tomates-cerises / Alternaria alternata / alternariose / extraits méthanoliques / activité antifongique
Key words: cherry tomatoes / Alternaria alternata / Alternaria infection / methanol extracts / antifungal activity
© Société de Biologie, 2020
1 Introduction
La tomate est un fruit très consommé par l’espèce humaine. Sa culture recouvre des milliers d’hectares de sols dans les pays producteurs (Adhikari et al., 2017). Il existe nombre de variétés de ce fruit, qui diffèrent par le goût et l’aspect. La tomate-cerise (Solanum lycopersicum var. cerasiforme) est l’une d’elles ; elle se caractérise par de petits fruits de forme arrondie et disposés en grappes plus ou moins longues (Blanca et al., 2012). Néanmoins, la culture des tomates-cerises, comme celle des autres variétés de tomates, est sujette à plusieurs infections fongiques qui causent de grandes pertes économiques (Adhikari et al., 2017). Les solutions habituelles se basent sur l’utilisation des pesticides. Mais ceux-ci sont à l’origine de plusieurs toxicités chez l’homme et l’animal. De plus, leur utilisation abusive a engendré une forte résistance des pathogènes (Lozowicka et al., 2015 ; Adhikari et al., 2017).
L’alternariose est l’une des pathologies les plus répandues chez les tomates. Elle peut être redoutable à cause de sa transmission rapide et sa persistance dans les sols infectés. Les moisissures qui la causent appartiennent au genre Alternaria. Parmi elles, Alternaria alternata est l’une des espèces les plus dangereuses. Elle se caractérise par des taches foncées qui peuvent altérer toutes les parties de la plante (Meena et al., 2017).
Les extraits végétaux représentent une nouvelle alternative pour lutter contre les germes pathogènes : ils permettent d’inhiber ceux qui ont développé des résistances et agissent en causant moins de nuisance au consommateur humain ou animal (Chen et al., 2014 ; Xu et al., 2014 ; Lozowicka et al., 2015 ; Hashem et al., 2018).
Dans cette étude, nous avons testé la capacité d’extraits méthanoliques de cinq plantes à inhiber la croissance d’A. alternata. Les plantes sélectionnées sont toutes répandues en Algérie et donc faciles à trouver : Eucalyptus globulus, Quercus suber, Punica granatum, Lavandula angustifolia et Rosmarinus officinalis. L’activité antifongique a été testée tout d’abord in vitro, puis sur des plants de tomates-cerises cultivés sous serre. Afin d’évaluer au mieux l’activité des extraits sur l’alternariose causée chez les tomates-cerises, un comptage des dictyospores a été réalisé sur des échantillons prélevés à partir des fruits obtenus sur les plants traités.
2 Matériel et méthodes
2.1 Origine des plantes
Les graines de tomates-cerises ont été achetées sur le marché. Une première culture a été réalisée avant cette étude afin de confirmer l’identité de la plante, confirmation effectuée au département de botanique de l’Université Constantine 1 (Algérie) et au département des Sciences de l’environnement et Sciences agronomiques de l’Université de Jijel (Algérie).
Eucalyptus globulus, Quercus suber et Punica granatum provenaient de la région d’El Aouana (Jijel, Algérie). L. angustifolia et R. officinalis ont été cueillies dans la commune de Jijel (Algérie) durant la période de floraison. La confirmation de l’identité de ces plantes a été faite au département des Sciences de l’environnement et Sciences agronomiques de l’Université de Jijel (Algérie).
2.2 Isolement et identification de la moisissure pathogène
La moisissure a été isolée à partir de tomates infectées, puis ensemencée dans des boîtes de Pétri contenant de la gélose extraite de malt. L’incubation durait 72 heures à 28 °C. L’identification de l’espèce était faite par observation macroscopique du mycélium et caractérisation microscopique du thalle et des dictyospores (Bessadat et al., 2014).
2.3 Préparation des extraits
Cinq plantes ont été utilisées dans cette étude (Tableau 1). Pour chacune, l’extrait méthanolique était préparé par macération de 10 g de matière végétale sèche dans 100 ml d’un solvant composé de méthanol/eau (50/50 : v/v). La macération durait 20 minutes et était répétée trois fois. Par la suite, le solvant était récupéré par filtration et évaporé à sec à l’aide d’un rotavapor. L’extrait obtenu était repris avec de l’eau distillée pour obtenir une concentration de 1 mg/ml (Laczkó-Zöld et al., 2018).
Les plantes et les parties végétales utilisées.
2.4 Activité antifongique testée in vitro
L’espèce A. alternata était cultivée dans des boîtes de Pétri contenant la gélose et 1 ml de l’extrait testé. Pour chaque extrait, des dilutions allant de 0,010 à 0,150 mg/ml étaient préparées. Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) étaient déterminées après incubation des boîtes à 28 °C pendant 72 heures (Cheruiyot et al., 2015).
2.5 Incidence des extraits sur le développement de la moisissure
L’incidence sur le développement de la moisissure a été étudiée pour les extraits qui avaient la plus grande activité antifongique in vitro. Des échantillons de mycélium ont été prélevés à partir des boîtes de Pétri contenant les différentes concentrations d’extraits. Ces échantillons ont été déposés entre lame et lamelle avec une goutte d’eau distillée stérile pour leur observation microscopique minutieuse au grossissement ×40 (Bessadat et al., 2014). Cette observation permettait de caractériser le développement de la moisissure en présence des extraits.
2.6 Activité antifongique des extraits sur les plants de tomates-cerises cultivés sous serre
Cette activité a été testée selon la méthode décrite par Nashwa et Abo-Elyousr (2012). Des plants de tomates-cerises âgés de sept semaines ont été pulvérisés avec 30 ml d’extraits contenant chacun une dose de 20 mg. Cette application s’est faite à l’aide d’un pulvérisateur à main, quatre fois, tous les 15 jours. Deux jours après la deuxième application foliaire, soit après l’utilisation de 40 mg d’extraits, les plants de tomates-cerises ont été traités, toujours par pulvérisation, avec 20 ml de la suspension d’A. alternata à une concentration de 5 × 107 UFC/ml. Les plants ont ensuite été placés dans des serres où la température était réglée à 28 °C le jour et 18 °C la nuit, et l’humidité relative fixée à 85 %. L’exposition au soleil durait 12 heures.
Pour chaque extrait, nous avons utilisé des groupes de cinq plants. Les symptômes de l’infection étaient observés lors de la maturation des fruits, soit 30 jours après la dernière application des extraits. Les résultats ont été mesurés en calculant le nombre des tomates-cerises et des feuilles infectées par rapport au nombre total des fruits et des feuilles produits par les plants. Les résultats obtenus étaient classés selon les valeurs de Nashwa et Abo-Elyousr (2012) modifiées : ils étaient exprimés en pourcentages et classés de 0 à 9 (0 = plants sains et tomates saines ; 1 = 1 à 5 % ; 2 = 6 à 10 % ; 3 = 11 à 25 % ; 4 = 26 à 35 % ; 5 = 36 à 45 % ; 6 = 46 à 55 % ; 7 = 56 à 70 % ; 8 = 71 à 80 % et 9>80 % de la surface foliaire et des tomates infectées).
Un groupe de cinq plants a été infecté et non traité ; il a été utilisé comme témoin négatif. Un autre groupe de cinq plants a été infecté et traité avec du mancozèbe à 0,2 % au lieu des extraits. Ce dernier a servi de témoin positif. La concentration de la suspension fongique utilisée pour provoquer l’alternariose sur les plants a été testée lors des essais préliminaires. Elle permettait d’induire des infections allant du stade 7 au stade 9.
2.7 Comptage des dictyospores après le traitement
À l’aide d’un bistouri stérile, nous avons effectué des prélèvements de 1 cm2 sur les parties altérées des fruits, 7 jours après le dernier traitement, soit après l’application de 80 mg de l’extrait considéré. Les échantillons ont été mis dans des tubes à essai contenant 10 ml d’hydroxyde de potassium aqueux à 20 %. Les tubes ont ensuite été placés dans un bain-marie réglé à 100 °C pendant 10 minutes afin de dégrader les tissus végétaux. Après refroidissement, la suspension obtenue était déposée à l’aide d’une micropipette sur une cellule de Malassez afin de procéder au comptage des dictyospores (Bogden et al., 1981).
Pour les fruits qui n’ont montré aucun signe d’infection, le prélèvement s’est fait au hasard sur la surface. Et pour les tomates-cerises qui avaient été infectées puis étaient redevenues saines après le traitement, nous avons effectué les prélèvements sur les parties qui avaient cicatrisé.
2.8 Étude statistique
L’évaluation de l’activité antifongique testée in vitro a été répétée trois fois. Les résultats étaient reportés en calculant les moyennes et les écarts types avec Microsoft Office Excel 2007. Pour l’activité testée sous serre, nous avons utilisé des groupes composés de cinq plants, ce qui nous a permis d’avoir une moyenne pour chaque groupe. Trois expériences successives ont aussi été réalisées et ont donné des résultats exprimés en moyennes et en écarts types des pourcentages, ce qui nous a permis de déterminer le stade de l’infection.
3 Résultats
3.1 Identification de la moisissure
Sur la gélose extraite de malt, la moisissure a donné un mycélium gris-verdâtre, tacheté de blanc au centre. Celui-ci était duveteux et fasciculé. Au revers de la boîte, il apparaissait brun foncé et toujours fasciculé. Sous microscope, le thalle était brun, cloisonné et ramifié. Les dictyospores étaient brunes, disposées en chaînettes ou isolées. Elles étaient piriformes, de taille moyenne et avaient des cloisons transversales et longitudinales. Elles se terminaient par un rostre court (Figure 1). Les caractéristiques de cette moisissure indiquaient qu’il s’agissait de l’espèce A. alternata.
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Figure 1 Caractérisation macroscopique et microscopique de la moisissure isolée. (A) Aspect du mycélium dans la boîte de Pétri. (B) Aspect du mycélium au revers de la boîte de Pétri. (C) Observation microscopique au grossissement ×10. (D) Observation microscopique au grossissement ×40. |
3.2 Activité antifongique testée in vitro
Tous les extraits avaient une activité antifongique contre la moisissure mais à des concentrations différentes. Les extraits de R. officinalis et L. angustifolia étaient les plus actifs avec des CMI de 0,020 et 0,030 mg/ml respectivement. L’extrait de P. granatum avait une activité un peu plus faible, mais néanmoins intéressante. Par contre, les extraits de Q. suber et E. globulus avaient des CMI beaucoup plus élevées, témoignant qu’ils étaient les moins actifs sur A. alternata (Tableau 2).
Résultats de l’activité antifongique in vitro contre A. alternata.
3.3 Incidence des extraits sur le développement de la moisissure
L’extrait le plus actif était celui du R. officinalis. L’observation microscopique du mycélium prélevé dans la boîte contenant une concentration de 0,010 mg/ml de cet extrait a montré que la moisissure ne produisait pas de dictyospores, elle était formée seulement par un mycélium cloisonné (Figure 2A). Cette même observation a été faite sur le mycélium cultivé dans la boîte contenant 0,020 mg/ml de l’extrait de L. angustifolia. Ces observations microscopiques indiquaient que les deux extraits bloquaient la reproduction de l’espèce aux concentrations considérées.
Sur le milieu contenant une concentration de 0,010 mg/ml de l’extrait de L. angustifolia, la moisissure était capable de produire des dictyospores, mais ces dernières étaient malformées et plus petites que celles obtenues sur le milieu sans extrait, utilisé comme témoin (Figures 2B et 2C). En effet, les dictyospores étaient pour la majorité cloisonnées transversalement seulement et formées par un nombre réduit d’éléments. Ceci indiquait que l’extrait de L. angustifolia à une concentration de 0,010 mg/ml était incapable de bloquer la reproduction de la moisissure, mais la rendait difficile.
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Figure 2 Observation microscopique d’A. alternata cultivée sur des milieux contenant les extraits de R. officinalis et L. angustifolia. (A) Milieu avec 0,010 mg/ml de l’extrait de R. officinalis. (B) Milieu avec 0,010 mg/ml de l’extrait de L. angustifolia. (C) Milieu témoin sans extraits. |
3.4 Activité antifongique des extraits sur les plants de tomates-cerises cultivés sous serre
L’alternariose causée sur les plants de tomates-cerises se traduisait par des taches noires qui pouvaient être localisées ou étendues. L’infection touchait toutes les parties aériennes de la plante (les feuilles, les tiges et les fruits), sans jaunissement autour des taches.
L’extrait de R. officinalis a donné les meilleurs résultats (Tableau 3). Les plants traités avec cet extrait n’ont monté aucun signe d’infection tout au long de l’expérience. De même, les fruits obtenus après maturation étaient tous non infectés (Figure 3A). Les extraits de P. granatum et L. angustifolia ont permis de réduire l’infection jusqu’au stade 1 après la troisième application et les plants étaient entièrement guéris après la quatrième. Les extraits de Q. suber et E. globulus, quant à eux, n’ont pas permis de protéger complètement les plants et d’avoir des tomates-cerises saines après maturation : l’extrait de Q. suber a donné le stade 1 et celui d’E. globulus le stade 3 (Figure 3B).
Les plants témoins, qui étaient infectés et non traités, ont montré une altération assez importante. Les fruits et les feuilles étaient infectés à plus de 60 %. Ces plants ont donc été classés au stade 7 (Figure 3C).
Résultats de l’activité antifongique testée sous serre (exprimés en stades).
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Figure 3 Fruits de tomates-cerises provenant de plants cultivés sous serre. (A) Traitement avec l’extrait de R. officinalis (stade 0). (B) Traitement avec l’extrait d’E. globulus (stade 3). (C) Fruits prélevés des plants infectés et non traités (stade 7). |
3.5 Comptage des dictyospores après le traitement
Les dictyospores étaient complètement absentes dans les échantillons des fruits traités avec les extraits de R. officinalis, L. angustifolia et P. granatum. Ceci confirmait la guérison totale des plants traités avec ces extraits. L’extrait de Q. suber a diminué massivement le nombre de dictyospores sur les fruits, mais n’a pas permis de les supprimer complètement. Quant à l’extrait d’E. globulus, il a également entraîné une diminution du nombre de ces spores, mais son activité était très faible par rapport à celle des autres extraits (Tableau 4).
Nombres de dictyospores dans les échantillons prélevés à partir des fruits.
4 Discussion
L’activité antifongique testée in vitro a montré que tous les extraits étaient capables d’inhiber la croissance d’A. Alternata. Les meilleures valeurs de CMI ont été apportées par l’extrait méthanolique de R. officinalis qui avait la même activité que le mancozèbe, antifongique commercial testé comme référence. Les extraits de L. angustifolia et de P. granatum avaient des CMI plus élevées, mais qui demeuraient assez intéressantes. Par contre, les extraits de Q. suber et E. globulus ont donné les plus hautes valeurs de CMI, témoignant ainsi de leur plus faible activité antifongique.
Ces résultats étaient confirmés par ceux rapportés pour l’activité antifongique testée sur les plants cultivés sous serre. En effet, R. officinalis a donné la meilleure inhibition du pathogène en permettant une protection complète des plants vis-à-vis de l’infection. L’activité de cet extrait était confirmée par l’absence totale des dictyospores dans les échantillons prélevés sur les tomates-cerises. Des études antérieures ont démontré que l’extrait méthanolique du romarin est riche en polyphénols, notamment en acide carnosique, carnosol et acide rosmarinique, qui ont une forte activité antimicrobienne (Moreno et al., 2006 ; Ozcan et Chalchat, 2008). De plus, les huiles essentielles présentes dans les différents extraits du romarin ont aussi une activité antifongique puissante ; parmi elles, le p-cymène, le linalool, le γ-terpinène, le thymol, le β-pinène, l’α-pinène et l’eucalyptol qui sont très actifs contre A. alternata (Ozcan et Chalchat, 2008).
Les extraits de P. granatum et L. angustifolia n’ont pas été suffisamment efficaces pour protéger les plants de l’infection, mais ils ont permis une guérison totale à la fin du traitement. Le comptage des dictyospores dans les échantillons prélevés sur les fruits a confirmé cette guérison.
Myresiotis et al. (2015) ont rapporté que P. granatum était une espèce couramment infectée par A. alternata, mais qu’elle produisait plusieurs mycotoxines limitant les effets de l’infection. De plus, Glazer et al. (2012) ont aussi démontré que les téguments des fruits de cette plante contenaient des composés fongicides, dont les ellagitannines, et plus précisément les punicalagines, qui étaient particulièrement actifs sur A. alternata et d’autres microorganismes phyto-pathogènes. Ces travaux expliquaient les résultats obtenus avec l’extrait de P. granatum dans notre étude.
L. angustifolia est une plante connue pour sa richesse en huiles essentielles qui peuvent être extraites par distillation dans le méthanol ou par macération dans l’eau distillée ou le méthanol aqueux (Cardia et al., 2018). Ces composés étaient probablement responsables de l’activité antifongique observée dans notre étude. Il convient de souligner cependant que Zaker et Mosallanejad (2010) ont précisé dans leurs investigations que l’extrait méthanolique obtenu par distillation était beaucoup plus actif contre A. alternata que celui préparé par macération.
L’extrait méthanolique de Q. suber n’a pas donné une protection totale des plants et des fruits, mais il a montré une réduction importante de l’infection. Cet extrait avait donc une activité antifongique bien présente, mais insuffisante pour prévenir et guérir l’alternariose des tomates-cerises. Des études antérieures ont montré que Q. suber se caractérise par une forte teneur en polyphénols, dont principalement l’acide ellagique, l’acide gallique et l’acide protocatéchique (Santos et al., 2010). L’extrait méthanolique de cette plante peut renfermer jusqu’à 15 composés phénoliques (Santos et al., 2010). Mais bien que ces derniers aient une bonne activité antibactérienne, en accord avec nos résultats, leur activité antifongique est relativement faible, y compris contre A. alternata (Santos et al., 2010 ; Abdul Qadir et al., 2017).
L’extrait méthanolique d’E. globulus a permis de réduire l’infection sur les plants de tomates-cerises ainsi que sur les fruits, mais son activité demeurait très limitée par rapport à celle des autres extraits. Des études précédentes ont démontré que cet extrait contient des alcaloïdes, des composés phénoliques, des stéroïdes et des terpènes (Ishnava et al., 2013). Mais aucun travail n’a été rapporté concernant son activité sur A. alternata. Jusqu’à présent, seules les huiles essentielles extraites par distillation de l’eucalyptus étaient connues pour avoir une activité inhibitrice sur cette moisissure (Martins et al., 2013).
Cette étude a donc permis de démontrer que les tomates-cerises pouvaient être protégées contre les infections fongiques en utilisant des extraits végétaux. Cette information est très importante car certaines investigations ont affirmé que la tomate présentait une forte teneur en pesticides. En effet, les cultures de tomates sont très souvent traitées avec des pesticides qui s’accumulent et constituent un apport toxique non négligeable pour l’être humain (Son et al., 2018). De même, des travaux précédents ont démontré que l’utilisation des pesticides traditionnels était à l’origine d’une forte oxydation des plants de tomates ce qui provoquait leur altération (Shakir et al., 2018). Notre étude représente de ce fait une nouvelle alternative pour protéger les plantes tout en évitant les désagréments apportés par les traitements antifongiques actuels.
Les extraits méthanoliques de R. officinalis, L. angustifolia et P. granatum agissent en inhibant la production des dictyospores d’A. alternata, ce qui jugule sa prolifération et sa propagation. Ces extraits seraient donc d’une mise en œuvre simple pour les agriculteurs qui pourraient les utiliser pour prévenir ou traiter un grand nombre de plantes susceptibles d’être altérées par cette espèce et ils pourraient également s’en servir pour assainir les sols porteurs d’A. alternata.
Bien que les travaux de Zaker et Mosallanejad (2010) aient déjà démontré une activité antifongique efficace d’extraits végétaux sur des microorganismes phytopathogènes in vitro, aucun autre travail n’avait porté sur leur activité sur des plantes en culture.
5 Conclusion
L’extrait méthanolique de R. officinalis a montré la plus grande activité antifongique in vitro et sur les plants cultivés sous serre. Sur gélose, cet extrait a démontré qu’il agissait sur A. alternata en inhibant complètement la formation des dictyospores. Ceci était confirmé par l’absence de ces spores dans les échantillons prélevés sur les fruits traités avec cet extrait. P. granatum et L. angustifolia avaient aussi une bonne activité sur A. alternata, mais elle était inférieure à celle de R. officinalis. Les extraits de ces plantes n’ont pas permis de prévenir l’infection sur les plants cultivés sous serre ; néanmoins ils ont apporté une guérison totale de l’alternariose après le traitement. Ceci était confirmé par l’absence des dictyospores dans les échantillons prélevés sur les tomates-cerises. Les extraits de Q. suber et E. globulus avaient la plus faible activité antifongique sur la moisissure : ils ont donné les valeurs de CMI les moins élevées in vitro et ils étaient incapables de prévenir ou de guérir complètement les plants infectés.
Les extraits de R. officinalis, L. angustifolia et P. granatum pourraient donc être utilisés afin de protéger les cultures de tomates-cerises contre les infections causées par A. alternata. En raison de leur action inhibitrice sur la formation des dictyospores, la principale forme de reproduction de la moisissure, ces extraits pourraient être envisagés pour le traitement d’un plus grand nombre de plantations et peut-être même pour assainir des sols infectés par A. alternata.
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Citation de l’article : Akroum, S. et Rouibah, M. (2020). Utilisation d’extraits méthanoliques de plantes pour la protection des cultures de tomates-cerises (Solanum lycopersicum var. cerasiforme) contre l’infection fongique par Alternaria alternata. Biologie Aujourd’hui, 214, 55-61
Liste des tableaux
Liste des figures
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Figure 1 Caractérisation macroscopique et microscopique de la moisissure isolée. (A) Aspect du mycélium dans la boîte de Pétri. (B) Aspect du mycélium au revers de la boîte de Pétri. (C) Observation microscopique au grossissement ×10. (D) Observation microscopique au grossissement ×40. |
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Figure 2 Observation microscopique d’A. alternata cultivée sur des milieux contenant les extraits de R. officinalis et L. angustifolia. (A) Milieu avec 0,010 mg/ml de l’extrait de R. officinalis. (B) Milieu avec 0,010 mg/ml de l’extrait de L. angustifolia. (C) Milieu témoin sans extraits. |
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Figure 3 Fruits de tomates-cerises provenant de plants cultivés sous serre. (A) Traitement avec l’extrait de R. officinalis (stade 0). (B) Traitement avec l’extrait d’E. globulus (stade 3). (C) Fruits prélevés des plants infectés et non traités (stade 7). |
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