Physiopathologie de la mémoire autobiographique dans le vieillissement : distinction épisodique/sémantique, données cliniques et études en neuroimagerie

Physiopathology of autobiographical memory in aging: episodic and semantic distinction, clinical findings and neuroimaging studies

¹ Université Paris Descartes, Laboratoire LPNCog CNRS 8189, 71 avenue Edouard Vaillant, 92100 Boulogne Billancourt, France
² Inserm-EPHE-Université de Caen U923, CHU Côte de Nacre, 14000 Caen, France

Auteur correspondant : Pascale Piolino, pascale.piolino@parisdescartes.fr

Reçu : 20 Avril 2010

Résumé

De toutes les formes de mémoire, c’est la mémoire autobiographique qui modèle depuis notre plus jeune âge notre sentiment d’identité et de continuité. Elle s’enrichit au fil du temps de nos expériences vécues et emmagasine à la fois les connaissances générales sur soi et les souvenirs spécifiques. L’étude de la mémoire autobiographique souligne le caractère dynamique et reconstructif de cette mémoire à long terme, combinant des aspects sémantiques et épisodiques, sa puissance et sa fragilité. Cet article se propose d’illustrer les propriétés de la mémoire autobiographique à partir des travaux de recherches actuels en psychologie cognitive, neuropsychologie et en neuroimagerie sur les mécanismes de perturbation dans le vieillissement normal et la maladie d’Alzheimer. Nous montrons que les bases cognitives et neurales de la mémoire autobiographique sont distinctes dans les deux cas. De plus, nos résultats en neuroimagerie fonctionnelle suggèrent que les patients au stade débutant peuvent compenser le déficit massif de souvenirs épisodiques lié à l’atteinte hippocampique par des souvenirs très généraux et anciens sous-tendus par des régions néocorticales frontales. L’ensemble de ces études ouvre sur de nouvelles recherches en neuroimagerie de la mémoire autobiographique, en comparant directement vieillissement normal et pathologique, et conduit au développement de nouvelles méthodes de réhabilitation cognitive de la mémoire s’appuyant sur les capacités de sémantique personnelle préservées chez les patients.

Abstract

From an early age, autobiographical memory models our feeling of identity and continuity. It grows throughout lifetime with our experiences and is built up from general self-knowledge and specific memories. The study of autobiographical memory depicts the dynamic and reconstructive features of this type of long-term memory, combining both semantic and episodic aspects, its strength and fragility. In this article, we propose to illustrate the properties of autobiographical memory from the field of cognitive psychology, neuropsychology and neuroimaging research through the analysis of the mechanisms of disturbance in normal and Alzheimer’s disease. We show that the cognitive and neural bases of autobiographical memory are distinct in both cases. In normal aging, autobiographical memory retrieval is mainly dependent on frontal/executive function and on sense of reexperiencing specific context connected to hippocampal regions regardless of memory remoteness. In Alzheimer’s disease, autobiographical memory deficit, characterized by a Ribot’s temporal gradient, is connected to different regions according to memory remoteness. Our functional neuroimaging results suggestthat patients at the early stage can compensate for their massive deficit of episodic recent memories correlated to hippocampal alteration with overgeneral remote memories related to prefrontal regions. On the whole, the research findings allowed initiating new autobiographical memory studies by comparing normal and pathological aging and developing cognitive methods of memory rehabilitation in patients based on preserved personal semantic capacity.