Numéro |
Biologie Aujourd’hui
Volume 217, Numéro 1-2, 2023
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Page(s) | 73 - 77 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2023002 | |
Publié en ligne | 6 juillet 2023 |
Article
Les réponses psychosociales aux traumatismes collectifs – un sujet international et transnational
Psychosocial responses to collective trauma
Norwegian Centre for Violence and Traumatic Stress Studies (NKVTS), Gullhaugveien 1-3, NO-0484 Oslo, Norvège
* Auteur orrespondant : lise.stene@nkvts.no
Reçu :
1
Février
2023
Les catastrophes d’origine humaine ou naturelle constituent des préoccupations sociétales qui peuvent peser lourdement sur la santé et le bien-être. Il est primordial de comprendre comment prévenir ou réduire les conséquences psychologiques et sociales néfastes chez les individus et les communautés concernés. Afin de renforcer la gestion de ces menaces sanitaires transfrontalières, il existe actuellement une forte volonté d’améliorer la coordination à travers l’Europe. Il est donc essentiel de mieux comprendre comment les différents pays répondent actuellement aux besoins psychosociaux de leur population à la suite de catastrophes. De fait, notre étude met en évidence les différences substantielles qui existent dans les réponses psychosociales aux attentats terroristes à grande échelle dans trois pays européens (Norvège, France, Belgique). Elle montre qu’il sera nécessaire d’améliorer et d’harmoniser le suivi, l’évaluation et la recherche sur la fourniture de soins et de soutiens psychosociaux afin de renforcer nos capacités à faire face aux futures catastrophes.
Abstract
Both man-made and natural disasters are societal concerns of actuality that can take a heavy toll on people’s health and well-being. It is paramount to understand how to prevent or reduce adverse psychological and social consequences in affected individuals and communities. There is currently an intention of better coordination across Europe to improve the handling of such cross-border health threats. Still, more insight is needed on how different countries respond to their population’s psychosocial needs in the wake of disasters. Substantial differences in European countries’ psychosocial responses to large-scale terrorist attacks are herein highlighted for Norway, France and Belgium. These differences emphasize the need to improve and harmonize the monitoring, evaluation and research on the provision of post-disaster psychosocial care and support in order to strengthen our capacities to deal with future emergencies.
Mots clés : terrorisme / soutien psychosocial / santé mentale / catastrophes / directives internationales
Key words: terrorism / mental health and psychosocial support (MHPSS) / disasters / international guidelines
© Société de Biologie, 2023
Introduction
Nous sommes actuellement confrontés à des crises et à des catastrophes de différentes natures. Après deux ans marqués par la pandémie de COVID-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a été déclenchée le 24 février 2022 avec un nombre croissant de morts, de blessés et de déplacements forcés. Quatre jours après le début de l’invasion, le groupe intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport alertant sur le fait que les conséquences du changement climatique s’accélèrent et qu’elles sont désormais généralisées, multipliant ainsi les menaces sur la nature et l’humanité (IPCC, 2022). Même si les perspectives semblent sombres, le passé a montré qu’il existe une grande capacité humaine à tirer des leçons des crises en vue d’élaborer des stratégies pour mieux les surmonter. Dans ce contexte, un défi majeur est de prévenir ou de réduire les potentielles conséquences sanitaires et sociales des crises et de répondre aux besoins psychosociaux des populations dans les différents pays.
La pandémie de coronavirus a mis nos systèmes de soins sous grande pression et a démontré leurs vulnérabilités. Une singularité de la pandémie, c’est qu’elle a touché tous les pays et a ainsi mis en lumière que les gouvernements font des choix hétérogènes pour gérer les mêmes menaces sanitaires. Ayant révélé des différences entre pays en termes de gestion de crises, la pandémie a également mis en relief la nécessité de collaborer à travers les frontières nationales pour résoudre les menaces sanitaires et sociales que les crises peuvent entraîner. Pour mieux répondre aux urgences sanitaires à venir dans l’ensemble de l’Europe et protéger la santé de ses citoyens, la Commission européenne a mis en place une Union européenne de la santé (Commission européenne, 2020). En novembre 2020, en pleine pandémie, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, s’est exprimée ainsi :
« Notre objectif est de protéger la santé de tous les citoyens européens. La pandémie de coronavirus a souligné la nécessité d’une coordination renforcée au sein de l’UE, de systèmes de santé plus résilients et d’une meilleure préparation aux crises futures. Nous n’abordons plus les menaces transfrontières pour la santé de la même manière. Aujourd’hui débute la mise en place d’une Union européenne de la santé, destinée à protéger les citoyens en les dotant de soins de qualité en cas de crise et à équiper l’Union et ses États membres pour prévenir et gérer les urgences sanitaires qui touchent l’ensemble de l’Europe. »
Il existe donc une volonté sur le plan européen de renforcer la coordination de la gestion des menaces sanitaires. Ce thème est malheureusement d’actualité en raison des millions de réfugiés d’Ukraine qui peuvent avoir besoin de soins et de soutiens psychosociaux dans les pays européens. Avec les menaces liées aux changements climatiques, il est vital de se préparer pour les futures crises. La planification des soins et soutiens psychosociaux est essentielle pour bien répondre à des situations d’urgence. Dans ces conditions, il est très difficile d’organiser et de fournir de tels soins et soutiens, étant donné que ces situations surviennent souvent à l’improviste dans des circonstances chaotiques avec potentiellement de nombreuses personnes traumatisées. Pour ces mêmes raisons, il est également compliqué de mettre en place des études scientifiques.
Comment fournir des soins et des soutiens psychosociaux ?
Il existe encore de grandes lacunes dans les connaissances sur les meilleures pratiques pour fournir des soins et des soutiens psychosociaux après une catastrophe. Les directives internationales existantes sont largement fondées sur un consensus d’experts, et les données scientifiques restent encore insuffisantes (Bisson et al., 2010).
Une démarche qui a été recommandée est le modèle de soins par paliers (stepped care), qui a comme priorité d’utiliser les ressources limitées de la manière la plus efficace possible pour pouvoir répondre au mieux aux besoins de tous (McDermott & Cobham, 2014). Le premier palier de ce modèle de suivi est le « watchful waiting », où l’on effectue un monitoring régulier des personnes qui ont quelques symptômes sans recevoir de traitement spécifique. Il est recommandé de promouvoir une récupération spontanée, car il est fréquent que des symptômes de stress éprouvés après une exposition à un événement potentiellement traumatique diminuent spontanément après quelques jours ou semaines. Pour cette raison, le diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT, en anglais « PTSD », pour posttraumatic stress disorder) ne peut être posé qu’au terme d’un mois après l’exposition à un événement traumatique. En effectuant des dépistages systématiques (screening), il est possible de repérer les personnes chez lesquelles les symptômes persistent ou augmentent, et ensuite leur fournir des soins et traitements appropriés. Or, un défi important est d’identifier les personnes à risque et de définir la ou les populations cibles pour recevoir de tels suivis.
Quelles leçons pouvons-nous tirer des réponses psychosociales aux attentats terroristes ?
Pour développer des recherches et des connaissances qui nous permettront d’améliorer les réponses psychosociales aux traumatismes de masse, un premier pas serait d’identifier les approches utilisées dans différents pays pour répondre aux besoins psychosociaux de leurs populations après de tels événements. Un exemple de situations d’urgence dont on peut tirer des connaissances est celui des attentats terroristes. La menace terroriste a plané sur l’Union européenne et le reste du monde et la survenue de plusieurs attentats terroristes a ébranlé nos sociétés. Dans l’objectif de contribuer à combler les lacunes sur la réponse psychosociale à apporter aux attentats dans différents pays, nous avons fait une étude sur trois attentats terroristes dans trois pays européens : Norvège (2011), France (2015) et Belgique (2016). Les données présentées ici sont le fruit d’un travail collaboratif entre des chercheurs de quatre pays européens venant de disciplines diverses, y compris la médecine, les soins infirmiers, les sciences politiques, l’épidémiologie, l’administration publique, la santé mentale et la sociologie (Stene et al., 2022). Nous avons focalisé nos travaux sur des plans/directives nationaux en vigueur lorsque les attentats ont eu lieu, et ceux communiqués par les autorités à la suite des attentats pour répondre aux besoins de soins et de soutiens psychosociaux de la population civile. Nos questions de recherche étaient les suivantes :
Comment étaient envisagés les contenus, les populations cibles et les prestataires des soins et des soutiens psychosociaux dans la phase aiguë et à long terme, après les attentats, dans ces trois cas ?
Quelles étaient les caractéristiques des attentats étudiés et celles des systèmes de santé dans les pays où les attentats ont eu lieu, et quelles incidences ont-elles eu sur les réponses psychosociales à ces attentats ?
Nous avons étudié les attentats terroristes qui ont causé le plus grand nombre de morts dans chaque pays dans la dernière décennie, c’est-à-dire les attentats du 22 juillet 2011 à Oslo et sur l’île d’Utøya en Norvège, du 13 novembre 2015 à Paris/Saint-Denis en France, et du 22 mars 2016 à Bruxelles en Belgique. Ces attentats ont aussi provoqué de nombreux blessés et ont exposé des milliers de personnes à un événement potentiellement traumatique. La méthode utilisée pour analyser la littérature et les documents pertinents ainsi que présenter les résultats plus en détail ont été décrits dans un article scientifique publié récemment (Stene et al., 2022).
Des réponses psychosociales après les attentats terroristes
Caractéristiques des attentats terroristes
La menace terroriste se modifie et les méthodes et les cibles changent au fil du temps. Les caractéristiques des attentats peuvent avoir des répercussions sur les individus et les communautés exposés. Elles influencent également l’ampleur et le contenu de la réponse psychosociale mise en place par les autorités. Les attentats que nous avons étudiés étaient tous de grande ampleur avec plusieurs sites concernés. Ils ont touché directement et indirectement un grand nombre de personnes, et ils ont été largement médiatisés dans le pays où ils ont eu lieu, ainsi qu’à l’échelle internationale.
Les attentats en Norvège du 22 juillet 2011 associaient l’explosion d’une bombe dans le quartier gouvernemental du centre-ville de la capitale Oslo et une fusillade sur une petite île où il y avait un camp d’été pour des jeunes membres du parti travailliste. Il y avait donc à la fois un site d’attentat urbain et un site d’attentat rural. Les victimes avaient été ciblées spécifiquement en raison de leur affiliation politique. Parmi les exposés et les décédés, il y avait de nombreux adolescents : 33 des 77 personnes décédées étaient des adolescents de moins de 18 ans.
Les attentats du 13 novembre 2015 en France ont combiné plusieurs fusillades dans des cafés, des restaurants et dans la salle de spectacle du Bataclan au centre de Paris, et des attaques-suicides par des porteurs d’engins explosifs devant le Stade de France à Saint-Denis. En plus des agresseurs, 130 personnes ont été tuées dans ces attentats qui ont eu lieu dix mois après d’autres attentats terroristes dans la même agglomération. Dans les sites ayant fait l’objet d’attaques, il y avait beaucoup de monde et certains dans la foule présente ont pu s’échapper sans avoir été identifiés par la police ou d’autres intervenants. Ce fut aussi le cas pour les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, où ont explosé deux bombes à l’aéroport et une autre dans le métro au centre-ville. Dans l’attentat de l’aéroport, de nombreuses victimes venaient de différents pays. Au total, 18 des 32 personnes tuées dans ces attentats n’étaient pas de nationalité belge.
Caractéristiques des systèmes de santé
Tous les pays concernés avaient des systèmes de santé bien développés avec une couverture sanitaire universelle où la majorité des frais étaient couverts par l’État. Les différences dans l’organisation des soins avaient trait notamment aux soins primaires et au rôle du médecin généraliste/médecin traitant.
En Norvège, le médecin traitant a d’abord joué un rôle primordial, à la fois comme prestataire et coordinateur de différents types de soins, pour ensuite intervenir comme « gardien » (gatekeeper) dans l’orientation vers les soins spécialisés. Pour bénéficier des frais couverts par l’État, il fallait avoir été référé par un médecin généraliste travaillant dans les soins primaires et, de préférence, celui enregistré comme le médecin traitant du patient.
En France, les patients ont été invités par des incitations financières à consulter un médecin généraliste/traitant pour une orientation vers des soins spécialisés. Cependant, il était possible de consulter des spécialistes, comme par exemple des psychiatres, sans passer par un médecin généraliste et avoir tout de même une partie des frais de la consultation remboursée.
En Belgique, il n’y avait pas de système de « gatekeeping ». Pourtant, quelques incitations financières à consulter un médecin généraliste/traitant pour une orientation vers des soins spécialisés ont été mises en place.
Quant à l’organisation de la prise en charge psychosociale dans le contexte de situations d’urgence, elle relevait essentiellement de la responsabilité des municipalités locales en Norvège et des services de santé régionaux en France. En Belgique, la responsabilité était partagée, les autorités fédérales étant responsables dans la phase aiguë, puis transférée aux municipalités locales dans le long terme.
Prise en charge psychosociale
Avant les attentats, les trois pays étudiés avaient des plans (France et Belgique) ou des directives (Norvège) à l’échelle nationale quant aux soins et soutiens psychosociaux à apporter en cas de catastrophes ou de crises. Dans tous les cas, des centres d’accueil ont été mis en place pour fournir du soutien psychosocial dans la phase aiguë. Par contre, les soins et soutiens psychosociaux différaient en termes d’organisation et de contenu, en particulier sur le long terme.
Norvège
En Norvège, l’approche était fondée sur les soins primaires. Dans les municipalités locales, des équipes de crise pluridisciplinaires devaient contacter tous les survivants le plus tôt possible. Chaque municipalité décidait de la composition de leur équipe de crise, en fonction de leurs ressources. Parmi les professionnels qui faisaient partie des équipes de crise figuraient des médecins généralistes, des infirmiers psychiatriques, des infirmiers scolaires, des psychologues, des assistants de service social, des policiers et des prêtres et/ou imams. Après les attentats du 22 juillet, la Direction générale de la santé a proposé un suivi proactif de deux groupes cibles considérés comme particulièrement à risque de développer des problèmes de santé. Ainsi, il était recommandé que le premier groupe constitué de tous les survivants de la fusillade d’Utøya et leurs familles bénéficie d’un suivi proactif par une personne contact désignée au sein des soins primaires municipaux. Pour le second groupe, celui des employés des ministères concernés par les attentats, un suivi proactif par les services de santé au travail était mis en place. Dans les deux cas, il était recommandé que le suivi dure au moins un an avec des dépistages systématiques (screening) au moins trois fois la première année pour repérer ceux qui avaient besoin de soutien psychosocial et/ou des soins psychiatriques ou d’autres soins spécialisés.
France
La réponse psychosociale aux attentats du 13 novembre à Paris/Saint-Denis était fondée sur les expériences d’autres attentats terroristes en France. Un réseau national de cellules d’urgences médicopsychologiques (CUMP) a été mis en place après un attentat terroriste survenu à Paris en 1995. Il existe une CUMP dans chaque département, avec des équipes composées de médecins psychiatres, psychologues, infirmiers psychiatriques et d’autres personnels ayant reçu une formation appropriée. L’approche était donc plus ancrée en psychiatrie en France, tandis que les soins primaires étaient dominants en Norvège. Les CUMP organisées par les agences régionales de santé ont fourni un soutien psychologique et des dépistages systématiques dans la phase aiguë (premier mois) et ont orienté certaines personnes vers d’autres professionnels pour un suivi prolongé. Contrairement à l’approche norvégienne, il n’existait pas de programme de dépistage systématique (screening program) après la phase aiguë. Le réseau national de CUMP permettait la mobilisation de plusieurs cellules pour venir renforcer l’assistance dans la région parisienne lors des attentats.
Belgique
Dans la phase aiguë après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, les municipalités locales devaient organiser des centres d’accueil pour les personnes concernées, tandis que les soutiens psychosociaux étaient coordonnés au niveau fédéral. Le jour des attentats, un centre d’accueil a été ouvert dans un hôpital militaire à Bruxelles avec des professionnels des services de santé, de la police, de la défense et des autorités judiciaires. La responsabilité devait être ensuite transférée aux municipalités locales, si des soutiens psychosociaux à long terme étaient jugés nécessaires. Par contre, peu d’informations ont été fournies sur le contenu et les prestataires de soutien psychosocial, notamment sur le long terme. Ainsi, dans un rapport d’une audition au Parlement, 10 mois après les attentats, un manque de suivi à long terme a été signalé.
Prise en compte des caractéristiques des attentats pour l’organisation des systèmes des soins
Après des attentats terroristes, un objectif clé pour assurer la santé et le bien-être des populations impactées et fournir des soutiens psychosociaux à ceux qui en ont besoin est d’identifier les personnes à risque et éviter qu’elles ne développent un TSPT ou d’autres problèmes de santé sur le long terme. Dans ce contexte, deux questions se posent : comment identifier les personnes à risque et comment les suivre ? Un suivi proactif dépend de la définition d’une population cible, et il faut donc décider qui devrait être inclus dans un programme de dépistage systématique (screening program) ?
En comparaison avec les attentats de Paris et de Bruxelles, des populations cibles ont peut-être été plus faciles à définir et à atteindre après les attentats en Norvège. Dans le cas norvégien, les attentats ont frappé d’abord le quartier gouvernemental où il était facile d’identifier les personnes qui travaillaient dans les ministères au moment de l’explosion. Ensuite, le fait que la fusillade ait eu lieu sur une petite île a permis d’identifier tous ceux qui y avaient été directement exposés. Ces circonstances ont facilité la mise en place d’un suivi proactif avec des dépistages systématiques des personnes directement exposées aux attentats.
La situation était plus compliquée dans le cas des attentats de Paris et de Bruxelles puisqu’ils ont eu lieu dans des sites où les survivants qui n’avaient pas été grièvement blessés pouvaient avoir fui des lieux des attaques avant que le personnel de secours ne puisse les identifier et leur fournir une prise en charge psychosociale. Néanmoins, des dépistages systématiques sur le long terme ont été mis en place pour d’autres attentats où il n’était pas évident d’identifier la population cible (Brewin et al., 2008), par exemple l’explosion lors d’un concert au stade de Manchester en Grande-Bretagne en 2017 (French et al., 2019) ou la fusillade du tramway à Utrecht aux Pays-Bas en 2019 (Bosmans et al., 2022). Il semble donc que l’organisation des dépistages systématiques sur le long terme dépende tout d’abord des politiques sanitaires des pays.
Dans le cas des attentats en Norvège, un grand nombre de personnes tuées et de survivants étaient des adolescents qui vivaient dans toutes les régions du pays. Donc, il y avait un besoin de suivi dans de nombreux lieux. Cela a joué un rôle dans le choix d’organiser un suivi proactif à long terme dans les municipalités locales. En France et en Belgique, un plus grand nombre de personnes concernées étaient de nationalité étrangère. Par conséquent, un suivi dans d’autres pays était nécessaire. Dans ces circonstances, la collaboration transfrontalière est essentielle pour coordonner le suivi dans la phase aiguë et à long terme.
La place des soins primaires en Norvège a probablement contribué à l’ancrage du suivi des victimes des attentats dès les premiers soins. En effet, les recherches indiquent que le recours aux médecins généralistes était plus fréquent chez les survivants de l’attentat d’Utøya (Stene & Dyb, 2015) que chez les survivants des attentats du 13 novembre en France (Pirard et al., 2020).
Implications : quelles leçons pouvons-nous en tirer pour la future gestion des crises ?
Malgré l’existence de directives internationales sur les soins et les soutiens psychosociaux après des catastrophes et la volonté d’une meilleure coordination de la gestion des menaces sanitaires à travers l’Europe, il existe des différences importantes entre les trois pays européens étudiés concernant les réponses psychosociales aux attentats terroristes à grande échelle. Comme les plans et directives étudiés étaient le plus souvent applicables pour différents types de traumatismes de masse, il est probable que ces conclusions soient valables au-delà des attentats terroristes. L’hétérogénéité des réponses psychosociales ainsi que les lacunes des données scientifiques soulignent un besoin de normes européennes pour la planification, le monitoring et l’évaluation des soins psychosociaux afin de construire de meilleures pratiques. De plus, une méthodologie transnationale pour la recherche sur les soins et soutiens psychosociaux nous permettrait de développer des connaissances en vue d’élaborer des réponses psychosociales mieux adaptées à des traumatismes de masse. Pour aider au suivi des personnes impactées, il serait utile d’établir des directives internationales sur la façon d’enregistrer les personnes considérées comme des populations cibles. Finalement, pour faciliter la coordination du suivi des personnes vivant dans d’autres pays que celui où ils ont été concernés par une catastrophe, il faudrait repérer les structures de prise en charge psychosociale dans les différents pays.
Remerciements
Je tiens à exprimer ma gratitude aux organisateurs de la Journée Claude-Bernard 2021 « Mémoire et traumatisme : Programme 13-Novembre », à savoir Francis Eustache, Bérengère Guillery et Denis Peschanski. Je remercie particulièrement Francis Eustache pour sa relecture avisée. De plus, je suis reconnaissante à l’ensemble des co-auteurs de l’article « Psychosocial care responses to terrorist attacks: a country case study of Norway, France and Belgium », à savoir Cécile Vuillermoz, Roel van Overmeire, Johan Bilsen, Michel Dückers, Lisa Govasli Nilsen et Stéphanie Vandentorren. Enfin, je tiens à remercier le « Research Council of Norway » pour le financement de ce projet de recherche numéro 288321, PROTECT.
Références
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Citation de l’article : Stene, L.E. (2023). Les réponses psychosociales aux traumatismes collectifs − un sujet international et transnational. Biologie Aujourd’hui, 217, 73-77
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