Numéro |
Biologie Aujourd’hui
Volume 217, Numéro 1-2, 2023
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Page(s) | 65 - 72 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2023003 | |
Publié en ligne | 6 juillet 2023 |
Article
Mémoire collective et mémoire sociale : apports de la sociologie à une théorie générale de la mémoire
Collective memory and social memory: contributions of sociology to a general theory of memory
Institut de Recherches en Sciences Sociales, Bâtiment B31 – Quartier Agora, 3 Place des Orateurs, 4000 Liège, Belgique
* Auteur correspondant : jforianne@uliege.be
Reçu :
7
Décembre
2022
Une théorie générale de la mémoire est-elle possible ? Quelle contribution la sociologie peut-elle apporter à ce vaste projet scientifique ? Deux contributions originales sont présentées et discutées dans cet article : (1) le concept de mémoire collective (Maurice Halbwachs) ; (2) le concept de mémoire sociale (Niklas Luhmann). L’auteur propose quelques clarifications théoriques importantes. D’abord, la mémoire n’est ni un stock ni une collection (d’états ou d’événements passés) mais plutôt une opération continue de tri entre souvenir et oubli. Ensuite, la mémoire collective n’est pas la mémoire sociale : en effet, la première est une opération spécifique des systèmes psychiques ; quant à la seconde, elle est une opération de communication, propre aux systèmes sociaux. Dans le cas particulier des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, l’auteur montre la fonction de mémoire sociale que remplit le système des médias de masse et comment ces opérations de filtrage du sens conditionnent la construction de souvenirs traumatiques.
Abstract
Is a general theory of memory possible? What contribution can sociology make to this vast scientific project? Two original contributions are presented and discussed in this article: (1) the concept of collective memory (Maurice Halbwachs); (2) the concept of social memory (Niklas Luhmann). The author proposes some important theoretical clarifications. First, memory is neither a stock nor a collection (of past states or events) but rather a continuous operation of sorting between remembering and forgetting. Secondly, collective memory is not social memory: indeed, the former is a specific operation of psychic systems whereas the latter is an operation of communication, specific to social systems. In the particular case of the attacks of November 13, 2015 in Paris, the author shows the function of social memory that the mass media system fulfills and how these operations of filtering meaning condition the construction of traumatic memories.
Mots clés : mémoire collective / Maurice Halbwachs / mémoire sociale / Niklas Luhmann / médias de masse
Key words: collective memory / Maurice Halbwachs / social memory / Niklas Luhmann / mass media
© Société de Biologie, 2023
Introduction
On voit apparaître aujourd’hui, dans le champ scientifique, des objets d’études qui appellent ou exigent de plus en plus une théorie générale (transdisciplinaire) de la mémoire : les syndromes de stress post-traumatique, la maladie d’Alzheimer, l’intelligence artificielle, la réalité des médias de masse, ou encore la construction des identités (biologiques, psychiques, sociales).
Quelle contribution la sociologie peut-elle apporter à cette vaste entreprise scientifique ? Je me limiterai ici à deux contributions originales : (1) le concept de mémoire collective (Maurice Halbwachs) ; (2) le concept de mémoire sociale (Niklas Luhmann). Je commencerai par procéder à quelques clarifications théoriques. D’abord, la mémoire n’est pas conçue ici comme un réservoir ou une collection d’états ou d’événements passés, mais davantage comme une opération continue de discrimination entre souvenir et oubli – qui construit de la répétition, de la redondance – dont la fonction principale est l’oubli (Eustache, 2019). Ensuite, la mémoire collective n’est pas la mémoire sociale : en effet, la première est une opération spécifique des systèmes psychiques ; quant à la seconde, elle est une opération de communication, propre aux systèmes sociaux. Je soulignerai alors l’intérêt de cette distinction analytique pour la recherche dans les memory studies. Dans le cas particulier des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, je montrerai la fonction de mémoire sociale que remplit le système des médias de masse – en particulier le domaine de programme des nouvelles et des reportages – et comment ces opérations (communicationnelles) de filtrage du sens conditionnent la construction de souvenirs traumatiques (individuels et collectifs).
L’enjeu d’une théorie générale de la mémoire
L’épistémologie commune aux multiples théories disciplinaires de la mémoire, en mathématique, cybernétique, biologie, psychologie, sociologie, n’est autre que la théorie des systèmes : la mémoire est conceptualisée dans ces différentes disciplines comme une propriété émergente des systèmes. Elle n’est pas le système car le système doit déjà opérer pour pouvoir se souvenir de quelque chose. La mémoire est un produit de l’évolution des systèmes.
C’est la thèse que défend explicitement Gérald Edelman en biologie de la conscience : la mémoire est une propriété systémique (Edelman, 1992 ; Edelman & Tononi, 2000). La mémoire neurale est une propriété dynamique des populations de groupes neuronaux (donc une propriété collective, insiste-t-il) ; la modification des forces synaptiques de ces groupes, dans une cartographie globale, en constitue la base biochimique. Au niveau du système nerveux central, la mémoire est le résultat dynamique des interactions de multiples facteurs et composantes mais n’est aucune de ces composantes : ni le « câblage » neuronal, ni le cervelet, ni les ganglions de la base, ni l’hippocampe, pris isolément, mais l’interaction dynamique entre ces éléments.
Le modèle analytique d’Edelman permet de monter en généralité en postulant un « principe de mémoire » (Edelman, 1992), commun à différents systèmes vivants : mémoire héréditaire (réplication du code génétique), mémoire immunitaire (production d’anticorps), mémoire neurale ou réflexe (modifications synaptiques), mémoire re-catégorielle (sélection de groupes neuronaux dans des cartes ré-entrantes). Il souligne le fait que tous ces systèmes (vivants) conservent une grande stabilité de structure au cours des processus sélectifs. Le principe de mémoire est un acquis de l’évolution du vivant : ce que tous les systèmes de mémoire ont en commun, c’est d’être évolutifs et sélectifs, conclut-il.
Une conséquence importante de ce « principe » est à noter : la mémoire n’est jamais parfaite, elle « doit » en quelque sorte contenir des erreurs (des variations d’entropie), grâce auxquelles le système peut évoluer et se rendre sensible à des événements imprévus survenant dans l’environnement. Au niveau des systèmes psychiques également, la remémoration n’est jamais stéréotypée, elle évolue à mesure que se transforment les catégories perceptives (Edelman, 1992) : elle est un processus de continuelle re-catégorisation (elle est donc imprécise, probabiliste, mais possède de grandes capacités d’association et de généralisation). Chaque type de mémoire reflète, selon Edelman, une propriété systémique d’un système sélectif d’ordre supérieur (acquis évolutif du vivant) : ces systèmes sont, précise-t-il, des « systèmes de reconnaissance ».
Ces bases théoriques invitent Edelman à développer une conception non-représentationnelle de la mémoire. En effet, le cerveau humain n’est pas un ordinateur qui stocke une information préalablement codée. Et en l’absence de code universel, en l’absence de juge (programmeur) dans la nature ou d’homoncule dans notre tête, la mémoire doit être conçue comme un processus continu de re-catégorisation. Un souvenir n’est pas une représentation (d’un objet, du monde, etc.). Comme le souligne Damasio (2002), lorsque l’organisme interagit avec un objet, le cerveau réagit à cette interaction, et au lieu d’enregistrer la structure de l’objet, le cerveau enregistre les conséquences multiples des interactions entre l’organisme et l’objet concerné. Le souvenir d’une entité, c’est le souvenir de ce qui s’est passé avec cette entité, un souvenir composite des activités sensorielles et motrices liées à l’interaction entre l’organisme et l’objet (vision, toucher, manipulation, émotions, sentiments, etc.). Ceci permet d’expliquer l’« effet proustien » de la mémoire, soit l’importance du contexte d’une interaction plus que de l’objet lui-même, comme dans le cas de « souvenirs flash » (Lecouvey et al., 2020), par exemple.
Comment la sociologie peut-elle contribuer à ce vaste champ de recherche ? Le principe de mémoire s’étend-il aux systèmes sociaux ? De quelle manière ?
Alors que les neurosciences cognitives connaissent depuis quelques années ce qu’il convient d’appeler un « tournant social » (Hirst & Rajaram, 2014 ; Legrand et al., 2015 ; Laisney & Eustache, 2016), la sociologie reste largement absente de ce champ d’étude et des débats qui l’animent (Clément, 2012). Malgré des débuts assez prometteurs – pour ne citer que les travaux pionniers de G.H. Mead sur la conscience ou ceux de Maurice Halbwachs sur la mémoire –, la sociologie se tient aujourd’hui à l’écart des neurosciences, à quelques rares exceptions (Bonner, 2006, 2010 ; Ehrenberg, 2008 ; Lemerle & Reynaud-Paligot, 2016).
Pourtant, au cœur des travaux les plus novateurs en psychologie et sciences cognitives, comme par exemple ceux de William Hirst et al. (2018), le concept de mémoire collective (emprunté au sociologue Maurice Halbwachs) apparaît comme une réelle opportunité pour étudier l’humain dans son « milieu social », son environnement institutionnel et culturel. Selon Francis Eustache et Denis Peschanski, « il est impossible de comprendre pleinement la mémoire collective sans prendre en compte les dynamiques cérébrales de la mémoire, de même qu’on ne peut comprendre pleinement ces dynamiques cérébrales sans prendre en compte l’apport des déterminants sociaux. » (Peschanski & Eustache, 2016).
Le programme de recherche 13-Novembre illustre bien ce changement de perspective dans les memory studies : il « vise à comprendre comment se construit et évolue la mémoire de l’événement traumatique que constituent les attentats du 13 novembre 2015. » (Malle et al., 2018). Une question centrale traverse ce programme de recherche transdisciplinaire et longitudinal : comment interagissent les mémoires individuelles et collectives ? Un nouveau cadre théorique est ainsi esquissé au service d’une clinique « neuropsychosociale » de la mémoire : « en cela, nous faisons l’hypothèse que la mémoire collective attachée à un événement traumatique (…) aura un rôle majeur sur la mémoire de l’individu. Si cette mémoire collective est en phase avec la mémoire de l’individu, elle aura un rôle de catalyseur dans la consolidation des souvenirs en leur permettant de devenir acceptables. Au-delà, elle favorisera la mise en place de mécanismes de résilience, le cadre social venant appuyer les mécanismes de reconstruction. Si, au contraire, ces deux formes de mémoire s’élaborent de façon désordonnée, voire antagoniste, elles seront toutes deux fragilisées avec des effets néfastes. » (Malle et al., 2018). Mais qu’est-ce que la mémoire collective ?
Le concept de mémoire collective
Le concept de « mémoire collective » a été forgé dans les années 1920–1930 par Maurice Halbwachs, sociologue français, héritier direct de la sociologie d’Emile Durkheim. L’intérêt heuristique de cette métaphore est incontestable : elle ouvre le questionnement aux « cadres sociaux » de la mémoire, invitant ainsi à étudier l’homme dans son « milieu social ». C’est sur la base de cette intuition originale, selon laquelle « on ne se souvient jamais seul », qu’Halbwachs construit son analyse sociologique : « c’est en ce sens qu’il existerait une mémoire collective et des cadres sociaux de la mémoire, et c’est dans la mesure où notre pensée individuelle se replace dans ces cadres et participe à cette mémoire qu’elle serait capable de se souvenir » (Halbwachs, 1925). Notons déjà dans cet extrait la distinction entre « mémoire collective » et « cadres sociaux de la mémoire » : la mémoire collective est celle à laquelle participent les individus (en tant que membres d’un groupe) ; les cadres sociaux renvoient plutôt aux structures (cognitives et normatives) des systèmes sociaux.
Son étude sur la « mémoire collective chez les musiciens » souligne l’importance des « cadres sociaux de la mémoire », sans lesquels la formation de souvenirs musicaux (individuels et collectifs) serait impossible. La thèse d’Halbwachs est la suivante : les systèmes sociaux fournissent à la personne des répertoires – des « schémas extérieurs à l’individu » selon les termes d’Halbwachs – permettant d’attribuer (continuellement) du sens à du bruit, de fixer (retenir), d’organiser des stimuli sonores et de les transformer en souvenirs musicaux personnels (qui peuvent être partagés). Le solfège (et plus largement le savoir musical) comme « institution » organise le sens et sensibilise l’organisme à des significations par l’intermédiaire de conventions, de valeurs qui orientent l’action, la communication. Ce (sous-)système de valeurs permet de moduler les activités de sélection. « En tout cas : isolez le musicien, privez-le de tous ces moyens de traduction et de fixation des sons que représente l’écriture musicale, il lui sera bien difficile et presque impossible de fixer dans sa mémoire un si grand nombre de souvenirs. » (Halbwachs, 1939). Le système social assure donc un ensemble de médiations entre l’organisme (système organique) et la personnalité (système psychique), par l’intermédiaire d’instruments (de musique), de rôles (pianiste, chef d’orchestre, amateur, etc.), de normes et de valeurs (la théorie musicale, les conventions d’écriture et d’interprétation, etc.). Cette « institution du sens musical » module l’activité des systèmes organiques (auditif, musculaire, articulaire, respiratoire, etc.) et offre au système psychique la possibilité de faire l’expérience consciente de « moments musicaux » (et de s’en souvenir).
Notons que le concept de « système de valeurs », central en sociologie (par exemple chez Parsons), est également utilisé en neurobiologie. Il sert à désigner, au sein du système thalamo-cortical, le sous-système qui déclenche l’émission de neuro-modulateurs qui viennent, comme leur nom l’indique, moduler l’activité cérébrale (Edelman & Tononi, 2000). Au sein des systèmes sociaux, les systèmes de valeurs remplissent des fonctions identiques : ils orientent, modulent les opérations de sélection, et, dans le cas particulier de la mémoire sociale, la sélection entre oubli et souvenir. Au sein du système psychique, les émotions jouent un rôle similaire, comme sous-système permettant de moduler l’activité sélective et l’auto-reproduction de la conscience (Damasio, 2002).
Les cadres sociaux de la mémoire ne doivent pas être confondus avec la mémoire (individuelle et collective) des musiciens. Si les gens se souviennent plus ou moins des mêmes faits lorsqu’ils partagent une expérience en commun, c’est qu’un système social (qui leur est extérieur) leur en offre la possibilité (Halbwachs, 1947), comme ici l’institution du sens musical : une mémoire sociale très spécifique et largement indépendante de ce dont les musiciens se souviennent ou de la manière dont ils organisent ou rafraîchissent leurs souvenirs. Il est intéressant de noter sur ce point qu’Halbwachs, lui-même, privilégie la notion de mémoire sociale à celle de mémoire collective, malgré ce qu’en a retenu la postérité (Sabourin, 1997). « On n’est pas encore habitué à parler de la mémoire d’un groupe, même par métaphore. Il semble qu’une telle faculté ne puisse exister et durer que dans la mesure où elle est liée à un corps ou à un cerveau individuel. Admettons cependant qu’il y ait, pour les souvenirs, deux manières de s’organiser et qu’ils puissent tantôt se grouper autour d’une personne définie, qui les envisage de son point de vue, tantôt se distribuer à l’intérieur d’une société grande ou petite, dont ils sont autant d’images partielles. Il y aurait donc des mémoires individuelles et, si l’on veut, des mémoires collectives. En d’autres termes, l’individu participerait à deux sortes de mémoires. (…) Il y aurait donc lieu de distinguer en effet deux mémoires, qu’on appellerait, si l’on veut, l’une intérieure ou interne, l’autre extérieure, ou bien l’une mémoire personnelle, l’autre mémoire sociale. Nous dirions plus exactement encore : mémoire autobiographique et mémoire historique. » (Halbwachs, 1950). Il faut bien reconnaître que la distinction entre mémoire collective et mémoire sociale, chez Halbwachs, reste assez imprécise, bien qu’essentielle, sur un plan analytique.
Cette imprécision demeure, encore aujourd’hui, dans la recherche en sciences humaines et sociales (Olick, 1999, 2009). La notion de mémoire collective est en effet utilisée, plus comme une métaphore que comme un concept, pour désigner un ensemble très hétérogène de pratiques et de représentations collectives : d’une part, des représentations collectives (visions du monde, schémas ou schèmes, scripts, idées, modèles de croyance) qui organisent la mise en sens de souvenirs individuels (codage, sémantisation) ; d’autre part, des pratiques collectives (sociales, culturelles, communautaires, etc.) qui visent à extérioriser (inscrire, partager, discuter, etc.) des souvenirs individuels (Schwartz, 1982 ; Carvalho da Rocha & Eckert, 2000 ; Laurens & Roussiau, 2002 ; Candau, 2005 ; Madiot, 2005 ; Barash, 2006 ; Bruneau, 2006 ; Fine & Beim, 2007 ; Kosicki & Jasińska-Kania, 2007 ; Wainberg, 2011).
Le concept de mémoire sociale
Dans la sociologie de Niklas Luhmann, le concept de « mémoire sociale » (nullement métaphorique) désigne de façon très précise une opération spécifique des systèmes sociaux : elle consiste, au sein des processus de communication, en une discrimination constante entre oubli et souvenir (Luhmann, 2012). « La fonction de la mémoire réside dans la réalisation d’une discrimination continue entre l’oubli et le souvenir, qui accompagne toutes les observations du système. La performance principale réside ici dans l’oubli ; ce n’est qu’exceptionnellement qu’on se souvient de quelque chose. Sans opération d’oubli, sans libération pour de nouvelles opérations, le système serait sans avenir. » (Luhmann, 2012). L’oubli est essentiel car il libère des capacités de traitement de l’information pour ouvrir le système à de nouvelles opérations et à de nouvelles irritations ; il permet d’éviter que le système ne se bloque lui-même « en coagulant les résultats de ses observations antérieures » (Luhmann, 2021), comme dans le cas par exemple du trouble de stress post-traumatique (Mary et al., 2020).
Cette opération de discrimination, qui se caractérise à la fois par une grande rigidité et une certaine souplesse, permet au système social de « dire en permanence ce qu’il en est de ce qui est » (Boltanski, 2009). Pour le système social, « la mémoire consiste en ceci que, dans toute communication, on peut présupposer comme connues certaines affirmations concernant la réalité sans avoir à les introduire dans la communication et à les justifier. La mémoire est à l’œuvre dans toutes les opérations du système de la société, c’est-à-dire dans toutes les communications. » (Luhmann, 2012). Tel est le rôle principal des « institutions » au sein des systèmes sociaux (De Munck, 1999), comparables aux phénomènes de re-entry au sein du système nerveux central (Edelman & Tononi, 2000). La mémoire sociale opère en continu : elle est une ré-imprégnation constante et sélective des états propres du système. La répétition produit l’oubli et le souvenir, toujours au présent.
Comment la mémoire de la société et des sous-systèmes sociaux fonctionne-t-elle ? La mémoire sociale n’est pas la mémoire collective (au sens d’Halbwachs), à savoir le fait que les individus se souviennent grosso modo des mêmes faits lorsqu’ils sont exposés aux mêmes conditions sociales. « La mémoire sociale n’est nullement constituée des traces laissées par la communication dans les systèmes individuels de conscience. Il s’agit au contraire d’une prestation propre des systèmes sociaux, des opérations communicationnelles, avec leur récursivité propre. » (Luhmann, 2021). Une mémoire sociale se forme par le simple fait que toute communication actualise un certain sens, et donc le connaît déjà, en quelque sorte. La répétition des mêmes références offre cette ré-imprégnation continue du sens utilisable au niveau de la communication. Certes, la mémoire sociale a besoin de la coopération des systèmes de conscience (comme pour toute communication) : la mémoire sociale ne fonctionnerait pas si des systèmes individuels de conscience dotés de mémoire n’existaient pas. Mais, précise Luhmann, la mémoire sociale ne dépend pas de ce dont les gens se souviennent ni de comment ils rafraîchissent leur mémoire en participant à la communication.
Pour Luhmann, toute société dépend d’une mémoire propre (autoproduite). Comme la communication orale se caractérise par le fait que de nombreuses communications s’effectuent simultanément, et ne peuvent donc être coordonnées, les sociétés sans écriture utilisaient donc nécessairement des « équivalents fonctionnels » de l’écriture (lieux, objets, édifices sacrés), pour se référer à la communication, pour procurer de la mémoire aux opérations du système, aux opérations de communication (préparer, soutenir la parole et l’écoute). Pour permettre la reconnaissance du même et les répétitions, sans dépendre des mécanismes neurophysiologiques et psychologiques bien trop labiles, les sociétés tribales (ou segmentaires, sans écriture) façonnaient des mémoires sociales, à partir de lieux sacrés, d’espaces connus (formes topographiques), d’objets (sacrés) et de quasi-objets (formes symboliques) que sont les rites, fêtes, mythes et légendes, etc. (Luhmann, 2021).
Comme l’a bien montré l’anthropologue Jack Goody (2018), l’introduction de l’écriture a transformé en profondeur l’organisation de la société et a permis la formation progressive des principaux sous-systèmes fonctionnels (la religion, le droit, l’économie, le système politique). L’introduction de l’écriture constitue donc une étape-clé dans l’évolution de la mémoire sociale : la communication peut désormais se conserver de façon autonome, indépendamment de la mémoire vivante et des interactions sociales. La communication peut atteindre les absents : même si elle continue d’exiger l’action, elle s’est détachée de sa formulation. La dimension sociale gagne en autonomie par rapport à la dimension matérielle. Jusqu’à l’ère moderne, comme le note Luhmann, l’écriture est avant tout considérée comme un aide-mémoire et un moyen de transport (transporter des signes sans devoir déplacer des choses) : l’écriture est un moyen mnémotechnique qui modifie en profondeur la signification de la mémoire. L’invention de l’écriture permet une différenciation d’une mémoire spécifiquement sociale : l’écriture est une mémoire qui se constitue elle-même ; on peut dorénavant se rappeler et oublier plus de choses qu’auparavant. « L’écriture modifie les possibilités de développer une mémoire sociale indépendante des mécanismes neurophysiologiques et psychologiques des individus. » (Luhmann, 2021).
L’imprimerie apparaît et se développe comme l’infrastructure technique qui sert au maintien et à la mise à jour d’une mémoire de la société, séparée de ce dont les individus se souviennent plus ou moins, et surtout indépendante du changement générationnel des individus. Afin de rendre disponible cette mémoire, se créent des bibliothèques publiques, des musées, des centres de documentation, etc. Parsons (1937) considérait déjà le système culturel comme le sous-système de maintenance (ou de mémoire ?) de la société. Avec l’apparition de la modernité, le système culturel se différencie du système social et la société moderne invente le concept de culture pour désigner sa mémoire, comme le suggère Luhmann : le concept de culture permet à la société moderne de se contempler et d’auto-adapter sa mémoire aux exigences de la différenciation fonctionnelle de la société en sous-systèmes autonomisés. La culture « est » la mémoire sociale : le filtrage entre l’oubli et le souvenir, toujours au présent, le lien entre le passé et l’avenir. Comme l’a bien montré Pierre Bourdieu (1979), le concept de « capital culturel » désigne, en effet, ce passé accumulé qui peut être utilisé au présent comme une ressource pour l’avenir.
Le sous-système des médias de masse : une fonction de mémoire sociale
La société moderne peut être décrite comme une société fonctionnellement différenciée (Luhmann, 1999), au sein de laquelle chaque sous-système prend en charge une partie de la complexité sociale et la traite selon son propre code (indéchiffrable pour l’environnement) : le droit, la science, l’art, la politique, l’économie etc. Il résulte de ce processus de différenciation fonctionnelle de la société, une autonomie croissante des sous-systèmes et, corollairement, l’absence d’une instance centrale de pilotage (ni centre, ni sommet capable de surveiller les sous-systèmes). À titre d’exemple, il n’existe pas de responsable des problèmes d’identité, ni d’agence centrale chargée du traitement des problèmes d’environnement.
Dans ce contexte, chaque sous-système de communication, régulée par un code, dispose d’une mémoire propre, d’un tri spécifique entre oubli et souvenir : le droit dispose d’une jurisprudence qui permet d’oublier les détails de chaque affaire ; la science dispose de répertoires de publications qui permettent d’oublier les errances de chaque recherche ; l’éducation dispose de critères de sélection permettant d’oublier l’origine sociale des élèves ; l’économie monétaire dispose d’un mode abstrait de comptage de la valeur destiné à oublier l’origine des sommes d’argent versées (que le système juridique doit parfois corriger) pour faciliter les transactions ; quant aux médias de masse, ils remplissent une fonction de mémoire sociale à l’échelle planétaire.
Les médias de masse constituent aujourd’hui une importante « institution du sens », au niveau mondial, qui fixe la référence et remplit une fonction essentielle de tri entre oubli et souvenir. Selon Luhmann (2006), chaque système repose sur la différence entre système et environnement : le code constitue l’unité de cette différence spécifique. Ainsi, le code du système des médias de masse est la distinction entre information et non information. Comme produire des informations est toujours une opération interne au système, la réalité des médias de masse est toujours un redoublement de la réalité. Le système des médias de masse assure deux fonctions essentielles (Luhmann, 2012) : (1) une fonction de sécurisation sémantique : dire en permanence ce qu’il en est de ce qui est, au niveau de la société-monde (la « ré-entrée » de la différence entre oubli et souvenir) ; (2) une fonction de sensibilisation à la critique : irriter, sensibiliser en permanence le système social à la critique (s’attendre à des surprises, à des nouvelles, à du neuf, à de la déviance, à du conflit, à de l’irritation), tenir le système social en alerte, en éveil, confronter en permanence le système social à la perturbation (à l’instar d’un système immunitaire). La médiatisation des attentats du 13 novembre en constitue une belle illustration ; la médiatisation de la pandémie en est une autre.
Si le monde est composé de trois grandes catégories de systèmes opérationnellement clos : (1) les systèmes organiques qui se reproduisent au moyen de la vie, (2) les systèmes psychiques qui se reproduisent au moyen de la conscience et (3) les systèmes sociaux qui se reproduisent au moyen de la communication, la question centrale est de savoir comment interagissent ces trois formes d’autopoïèses et les mémoires qui leur sont associées (sociales, psychiques et biologiques), et par quelles médiations ? Une théorie des médiations inter-systémiques est encore à construire. Les concepts d’« interpénétration » en sociologie (Parsons, 2004 ; Luhmann, 2010) ou de « couplage structurel » en biologie (Maturana & Varela, 1994) permettent d’avancer en ce sens.
L’interpénétration est un concept-clé pour l’analyse des relations inter-systémiques : on parle de pénétration lorsqu’un système met à disposition sa propre complexité en vue de la construction d’un autre système ; il y a interpénétration quand cet état de fait se produit mutuellement (Luhmann, 2010). Notons que deux systèmes qui s’interpénètrent demeurent des environnements l’un pour l’autre, car la complexité mise à disposition de l’un est insaisissable pour l’autre (noise). Selon Luhmann, l’évolution des systèmes (sociaux et psychiques) suit le principe du « order from noise » : chaque système fournit à l’autre suffisamment de désordre pour qu’un ordre émerge progressivement d’événements dus au hasard. Ainsi se forment les systèmes sociaux sur la base des bruits que les systèmes psychiques produisent dans leurs tentatives de communiquer (Luhmann, 2010).
Le concept de « couplage structurel » entre système et environnement (Varela, 2017) complète bien le propos : il désigne un processus qui « digitalise des relations analogiques » (au sens de Baetson, 1980). En effet, comme l’environnement (composé d’autres systèmes) opère simultanément au système, il n’existe d’abord que des relations analogiques (en parallèle). Tout l’enjeu est donc de transformer les relations analogiques en relations digitales (ou numériques, au moyen du codage binaire) pour que l’environnement puisse, par ce biais, agir sur le système (par exemple l’œil ou l’oreille et les opérations correspondantes dans le cerveau).
Commençons par rappeler que toute communication est couplée structurellement à la conscience : elle en dépend totalement (bien que la conscience ne soit ni le sujet ni le support de la communication). C’est le langage qui rend possible le couplage structurel permanent entre les systèmes de conscience et les systèmes de communication. La bifurcation du code de communication qu’est le langage permet à la conscience d’opter pour l’une ou l’autre face de la « forme » (au sens de Spencer-Brown, 1969) : toute communication offre la double possibilité d’être acceptée ou refusée ; tout sens peut être exprimé de façon positive ou négative. Notons également un deuxième mécanisme de couplage structurel, agencé de façon plus labile et capable d’apprendre (cf. Halbwachs) : les « schèmes » (ou frames, scripts, stéréotypes, cartes mentales, etc.). Le « schème » est une combinaison de sens qui permet à la société et au système psychique de constituer une mémoire qui peut oublier presque toutes ses opérations mais qui peut néanmoins en conserver quelques-unes sous une forme schématisée (Luhmann, 2012) : schèmes temporels, schèmes d’attribution, schèmes de préférence, schèmes perceptifs, etc. Les schèmes sont les instruments de l’oubli et de l’apprentissage (Bartlett, 1932 ; Tse et al., 2007 ; Legrand et al., 2015) : ce ne sont pas des images mais des règles pour effectuer (ou répéter) des opérations (pas l’image du cercle, précisait déjà Kant, mais les règles pour le tracer) ; ils peuvent se référer aux choses ou aux personnes.
Comme le note Abelson (1981), les scripts sont des cas particuliers de schèmes où les successions temporelles sont des stéréotypes (par exemple, acheter un billet avant d’entrer dans une salle de cinéma). On peut faire l’hypothèse selon laquelle le couplage structurel entre la communication masse-médiatique et les systèmes psychiques utilise, et génère même, de tels scripts (en particulier des scripts causaux, sur l’écologie, le terrorisme, la pandémie, etc.). Dans le cas des attentats du 13 novembre à Paris, le système des médias de masse fournit aux systèmes psychiques des scripts leur permettant d’organiser leurs souvenirs, c’est-à-dire de pratiquement tout oublier de cette expérience pour n’en conserver que quelques éléments rassemblés sous une forme hautement simplifiée. Les médias de masse proposent, en effet, une mise en scène (dramatique) de l’événement : la surprise, la référence locale, les quantités, la conflictualité (transgression des normes) constituent autant de « sélecteurs d’information », autrement dit, ce qui constitue la « programmation des attentes » au sein du système des médias de masse, ce que l’on peut attendre comme étant de l’information (et, au contraire, ce qui doit demeurer sans valeur). D’un événement arraché au monde, le système des médias de masse fixe la référence, fabrique la réalité sociale : le système produit en interne un « scénario catastrophe inédit », construit à partir de simplifications, de raccourcis, d’amalgames (fanatisme, terrorisme, immigrés, Molenbeek, etc.). D’autres sous-systèmes sociaux pourront (ou non) se laisser irriter par cet événement médiatique et y réagir (chacun à leur manière, selon une temporalité spécifique) : le système économique par une hausse des prix, le système politique par la prise de décisions collectivement contraignantes, le système juridique par la stabilisation d’attentes normatives, le système scientifique par de nouveaux programmes de recherche (par exemple « 13-Novembre »), etc. (Figure 1)
Qu’en est-il des systèmes de conscience ? Si l’événement médiatique s’adresse en priorité aux absents, pour les personnes présentes lors des attentats de Paris, avant même qu’elles aient pu mettre des mots sur ce qui leur est arrivé, les médias canalisent le sens, filtrent, trient et tranchent de manière arbitraire, imposent une auto-description officielle de l’événement qui invite ces participants à reprendre un rôle de simple spectateur. Et ce dont les corps se souviennent (par exemple la forte odeur du sang et de la poudre), les médias de masse l’oublient et le rendent opaque, invisible, aux systèmes de conscience. Pour accompagner ces personnes « dépossédées » d’une expérience (psychique et corporelle) singulière, les thérapies individuelles ne visent-elles pas justement à rendre possible une auto-description alternative (peut-être plus authentique) de « ce qui s’est réellement passé », permettre un nouveau tri entre oubli et souvenir (à partir des sensations et non des significations sociales de l’événement) ? Le recours de plus en plus fréquent aux psychotropes, dans le cadre de ces thérapies, pour produire des états de conscience modifiée et faciliter le processus de résilience pose question. Serait-ce le prix à payer pour l’humain face à la « violence symbolique des institutions » (Bourdieu, 2001), en particulier celle qu’imposent les médias de masse aux systèmes de conscience ?
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Figure 1 Les schèmes et les scripts comme mécanismes de couplage structurel. Le cercle de gauche représente un système individuel de conscience (système psychique) : la mémoire collective correspond aux opérations de sélection (tri entre oubli et souvenir) d’un individu en tant que membre d’un groupe ou en tant que participant à une interaction. Le cercle de droite représente un système social (par exemple le système des médias de masse) : la mémoire sociale correspond aux opérations de sélection (tri entre oubli et souvenir) au sein du système de communication. À la frontière du système psychique et du système social, les schèmes et les scripts rendent possible le couplage structurel entre la conscience et la communication. À titre d’exemple, le système des médias de masse produit des schèmes et des scripts pour permettre aux consciences individuelles de participer (ici, en tant que spectateurs) aux opérations de communication de masse médiatiques. |
Conclusion
La théorie des systèmes complexes offre des pistes stimulantes pour activer un dialogue constructif entre sciences sociales et neurosciences. L’interaction de ces trois formes d’autopoïèse que sont la vie, la conscience et la communication, pose une série de questions (théoriques et méthodologiques) auxquelles devront répondre les neurosciences sociales de demain. Le concept de « mémoire sociale », esquissé par Halbwachs et développé par Luhmann, y contribuera certainement.
Un point important mérite d’être souligné : la clôture opérationnelle des systèmes sociaux – et de la société comme système social englobant – apparaît comme une condition essentielle d’ouverture (de sensibilité) à l’environnement. En effet, sans clôture opérationnelle, il n’y aurait aucune possibilité pour la société de se laisser « irriter » par les systèmes de conscience (doués de perception). « À la différence des systèmes de conscience qui disposent d’une perception sensorielle, la communication ne peut être stimulée que par la conscience. Tout ce qui agit de l’extérieur sur la société, et qui n’est pas de la communication, passe par le double filtre de la conscience et de la possibilité de communication » (Luhmann, 2021). En clair, la société (en tant que système opérationnellement clos) ne peut avoir accès au monde que par le biais des « individus », autrement dit par l’intermédiaire de cerveaux (opérationnellement clos) et des systèmes de conscience (clos également). Dès lors, lorsque les systèmes sociaux fabriquent la réalité sociale (en toute autonomie) et transforment des « faits bruts » (prélevés du monde) en « faits institutionnels » (Searle, 1995), ils ne peuvent le faire que par le filtrage de la conscience qui contrôle l’accès du monde extérieur aux processus de communication.
En guise de conclusion, si la mémoire sociale rend possible la formation de souvenirs individuels et collectifs, elle n’en détermine nullement le processus et n’interfère pas directement dans l’autoreproduction de la conscience. En outre, la mémoire sociale se rend sensible à ce que les gens perçoivent et ce dont ils se souviennent (individuellement ou collectivement), car toute opération de communication est couplée aux opérations des systèmes de conscience. Mémoire sociale et mémoire collective se conditionnent donc mutuellement, s’interpénètrent, s’offrent l’une à l’autre la possibilité de leur évolution respective, bien qu’elles ne puissent pas s’en souvenir !
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Figure 1 Les schèmes et les scripts comme mécanismes de couplage structurel. Le cercle de gauche représente un système individuel de conscience (système psychique) : la mémoire collective correspond aux opérations de sélection (tri entre oubli et souvenir) d’un individu en tant que membre d’un groupe ou en tant que participant à une interaction. Le cercle de droite représente un système social (par exemple le système des médias de masse) : la mémoire sociale correspond aux opérations de sélection (tri entre oubli et souvenir) au sein du système de communication. À la frontière du système psychique et du système social, les schèmes et les scripts rendent possible le couplage structurel entre la conscience et la communication. À titre d’exemple, le système des médias de masse produit des schèmes et des scripts pour permettre aux consciences individuelles de participer (ici, en tant que spectateurs) aux opérations de communication de masse médiatiques. |
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