Numéro |
Biologie Aujourd’hui
Volume 217, Numéro 1-2, 2023
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Page(s) | 3 - 4 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/jbio/2023008 | |
Publié en ligne | 6 juillet 2023 |
Notice Nécrologique
Françoise Dieterlen et la Société de Biologie
Comme il arrive souvent, les premiers contacts de Françoise Dieterlen avec la Société de Biologie ont été ceux d’une future ou jeune retraitée qui veut conserver un lien avec la recherche et avec sa vie professionnelle antérieure, surtout quand celle-ci s’est souvent confondue avec sa vie tout court. Ainsi, elle rejoint la Société en 1993 puis entre rapidement dans son Conseil où elle sympathise avec l’inamovible Secrétaire Général, Jacques Polonovski, avant de lui succéder à ce poste clé quand le poids des ans sera devenu trop lourd. Première femme à assumer cette lourde responsabilité, sa tâche est heureusement facilitée par l’installation, à côté de son laboratoire à Nogent, du secrétariat de la Société dans un bâtiment du Collège de France, où nous avons statutairement notre siège social. Les revenus du Journal permettent alors l’emploi d’une salariée, à plein temps puis à temps partiel : Mme Camprasse, qui succède à sa mère pour gérer les effectifs de la Société, les réunions et les séances mensuelles, la Journée Claude Bernard et surtout assurer les tâches administratives liées aux Comptes rendus de nos séances.
C’est cette revue scientifique, une des dernières en langue française, qui pendant plus de vingt ans va devenir le grand souci de Françoise, tout d’abord avec M. Savel, puis seule : collecte des manuscrits, lecture critique, relations avec les auteurs, les referees et l’éditeur, voire l’imprimeur. Sa maîtrise parfaite de l’anglais lui permet de traduire elle-même les contributions étrangères et d’échanger avec leurs auteurs dans une langue élégante et précise. C’est ainsi qu’elle a traduit pour Biologie Aujourd’hui les conférences données par les trois prix Nobel, James Rothman, Thomas Studhof et Randy Schekman, lors de la mémorable Journée Claude Bernard de novembre 2014 sur le trafic vésiculaire intracellulaire.
Mais rapidement, l’érosion de nos abonnés tarit nos ressources et Françoise doit gérer le licenciement de la secrétaire dont elle reprend une grande partie des tâches, les autres étant assurées au sein de la Fédération Réaumur par un secrétariat mutualisé tenu par Patricia Vivès. Par ailleurs, le Collège achève de fermer Nogent et de ce fait nous donne congé (en promettant de nous reprendre un jour…). Il nous faut donc trouver un autre point de chute. L’Université Paris VI nous accepte et ce sera le début d’une longue errance dans différents locaux de Jussieu.
Ces événements prennent place en partie au cours de ma présidence de 2004 à 2008 et c’est en parfaite harmonie que le Bureau, composé alors de Françoise, Claude Jacquemin comme trésorier et moi-même, a essayé d’y faire face en continuant le rythme de nos réunions. Je me souviens d’une Journée Claude Bernard où nous avions dû privatiser le grand amphi Farabeuf de la Faculté de Médecine en raison de l’affluence des participants. Toujours grande dame, Françoise n’hésitait pas à organiser le soir la réception des intervenants chez elle, rue de Bellechasse. Pour ma part, j’avais proposé de tenir des séances délocalisées de la Société de Biologie dans les stations marines de l’Université, à Roscoff comme à Banyuls, où avec Françoise nous avons assuré avec succès la promotion de nos activités en montrant aux jeunes chercheurs que l’on pouvait encore parler Science en français.
Au terme de mon mandat en 2008, c’est tout naturellement Françoise qui est proposée et élue à la tête de la Société, première présidente depuis 1848. À ce titre, elle anime avec une culture et une ouverture d’esprit rares la vie de la Société tout en conservant la direction scientifique du Journal pour lequel nous avions changé d’éditeur avec notre passage chez EDP Sciences. Cette transition porte rapidement aussi sur le titre de la Revue qui devient « Biologie Aujourd’hui », Françoise réussissant ainsi à conserver le mot Biologie, auquel elle tenait, et à lui donner la première place pour des raisons d’archivage électronique.
Dans ces mutations, Françoise est aidée par Claude Jacquemin qui cumule les fonctions de trésorier et de secrétaire général et assure toutes les tâches administratives laissées vacantes par la dissolution de la Fédération Réaumur, à l’exception de celles liées au Journal. Il n’est pas exagéré de dire que celui-ci est porté à bout de bras par Françoise et elle seule avant qu’elle ne sollicite l’aide indispensable d’Evelyne Vila-Porcile.
La Société de Biologie doit à sa première présidente d’avoir su maintenir son audience avec des séances qui attirent les jeunes chercheurs spécialistes de la question traitée (où nous avons parfois précédé le jury Nobel…) et les incitent ensuite à réfléchir (en français…) sur leur recherche et son contexte en écrivant une revue de question, rigoureuse mais accessible à un large public. Grâce à Françoise, à son engagement sans compter et à celui des collègues qu’elle savait si bien motiver au sein du Conseil, la Société est restée vivante et va bientôt célébrer son entrée dans son troisième siècle.
Sur un plan plus personnel, qu’est-ce que je souhaite retenir de ces vingt ans de relations professionnelles et amicales avec Françoise Dieterlen ? La valeur suprême qu’elle attribuait au travail et en particulier au travail de chercheur et de responsable d’équipe, respectée de ses pairs et aimée de ses élèves ; sa capacité à s’investir lucidement dans une cause difficile et peut-être désespérée comme celle de maintenir le français comme langue scientifique alors que justement l’anglais n’était pas pour elle un handicap ; sa liberté, qu’elle savait superbement concilier avec la chaleur de ses liens familiaux ; son aisance et sa « décontraction » aristocratiques lorsqu’elle vous recevait dans sa cuisine parisienne ou dans sa jolie maison percheronne et, s’il est encore permis à un homme d’écrire ainsi sur une femme, ses yeux magnifiques qui reflétaient à l’infini le charme de sa personnalité.
© Société de Biologie, 2023
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